On donne le texte suivant extrait de William Shakespeare de Victor Hugo.
Force gens, de nos jours, volontiers agents de change et souvent notaires, disent et répètent : La poésie s'en va. C'est à peu près comme si l'on disait : Il n'y a plus de roses, le printemps a rendu l'âme, le soleil a perdu l'habitude de se lever, parcourez tous les prés de la terre, vous n'y trouverez pas un papillon, il n'y a plus de clair de lune et le rossignol ne chante plus, le lion ne rugit plus, l'aigle ne plane plus, les Alpes et les Pyrénées s'en sont allées, il n'y a plus de belles jeunes filles et de beaux jeunes hommes, personne ne songe plus aux tombes, la mère n'aime plus son enfant, le ciel est éteint, le cœur humain est mort.
S'il était permis de mêler le contingent à l'éternel, ce serait plutôt le contraire qui serait vrai. Jamais les facultés de l'âme humaine, fouillée et enrichie par le creusement mystérieux des révolutions, n'ont été plus profondes et plus hautes.
Quelle est la thèse défendue dans le texte ?
- Le texte se construit sur la réfutation de la thèse adverse exprimée en préambule dans la phrase "La poésie s'en va".
- Selon l'auteur, c'est tout le contraire : la thèse du texte est que la poésie n'a jamais été aussi aboutie et qu'elle est portée à sa perfection dans le siècle qui lui est contemporain.
- Elle peut se résumer dans la phrase finale : "Jamais les facultés de l'âme humaine, fouillée et enrichie par le creusement mystérieux des révolutions, n'ont été plus profondes et plus hautes".
Le texte défend la thèse selon laquelle la poésie n'a pas disparu et n'a au contraire jamais été aussi aboutie.
Quels sont les arguments avancés dans le texte ?
- Le texte s'ouvre par une réfutation qui fonctionne comme un argument ad hominem. En effet, l'auteur résume et reprend la thèse au discours direct. Il attribue ce discours à des "agents de change et souvent notaires" ce qui crée une satire sociale et décrédibilise ceux qui pensent ainsi.
- Le premier paragraphe fonctionne par analogie poétique en comparant cette affirmation d'une disparition de la poésie à des affirmations absurdes ("le soleil a perdu l'habitude de se lever") pour mieux décrédibiliser la thèse adverse. Ces analogies permettent par ailleurs d'assimiler la poésie aux éléments naturels et esthétiques du monde ("le printemps", "le soleil", "le ciel", "les papillons", les "belles jeunes filles") et aux belles émotions fortes ("le cœur humain est mort") : c'est un éloge implicite qui se dégage de ces analogies.