Le style symboliste Exercice fondamental

Le symbolisme est un mouvement qui apparaît en France dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il apparaît dans la continuité et le rejet du Parnasse et de son formalisme : il est représenté par des poètes qui ne se définissaient pourtant pas comme symbolistes, au premier rang desquels Mallarmé et Verlaine. Le style symboliste se caractérise tout d'abord par sa distance avec le réel. Dans un second temps, son esthétique repose sur l'hermétisme et le règne de l'analogie.

Tout d'abord, le mouvement symboliste apparaît en réaction aux progrès extrêmement rapides de la modernité dans la seconde moitié du XIXe siècle. De ce fait, les auteurs symbolistes se distinguent fortement du naturalisme et du réalisme qui refusent l'idéalisme au profit d'une représentation engagée de la société. Le symbolisme met l'accent sur la spiritualité qui manque selon eux dans une époque marquée par les progrès scientifiques et techniques. Les poètes symbolistes revendiquent ainsi "l'art pour l'art", l'idée d'un art qui n'a pas vocation sociale, qui refuse l'engagement politique : il se caractérise donc avant tout par la recherche du Beau et par la distance avec le réel. En effet, le mouvement prend racine dans le recueil de Baudelaire, Les Fleurs du Mal : l'écart entre l'idéal recherché par le poète et le "spleen" provoqué par la confrontation à une réalité privée d'élévation influence profondément le style symboliste. Mallarmé rend fréquemment hommage à Baudelaire qu'il appelle "le Maître" dans "Ses purs ongles très-haut" où il est question de "rêve vespéral". Dans ce rapport de rejet du réel, le style symboliste, très onirique, se caractérise en effet par l'importance du rêve. L'exemple emblématique est le poème de Verlaine, "Mon rêve familier" qui s'ouvre par ce vers : "Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant". Les auteurs symbolistes pensent en effet que le monde rationnel et ses catégories ne suffisent pas à rendre compte de la complexité du sens caché du monde auquel la poésie cherche à accéder. Le style symboliste se caractérise de ce fait par un vocabulaire du flou, de l'"Indécis" dont parle Verlaine dans son poème "Art poétique", plutôt que du net, par des thématiques abstraites plutôt que concrètes. Le paysage y apparaît comme vague et reflète les états d'âme du poète.

Dans un second temps, l'émergence du style symboliste se traduit également par une crise du langage. Le nom du mouvement lui-même s'explique par l'étymologie du terme symbole : "jeter ensemble". En effet, le style symboliste repose avant tout sur le rapprochement de réalités éloignées dans l'analogie, les nombreuses comparaisons : les auteurs recourent à des jeux de correspondances horizontales et verticales telles qu'elles sont définies par Baudelaire dans son poème "Correspondances". Le poète y parle de "forêts de symboles" où "les parfums, les couleurs et les sons se répondent" dans des jeux de synesthésie. Le style symboliste repose en effet sur des réseaux d'allégories, de métaphores et d'images qui tentent de rendre perceptible au lecteur le sens caché du monde. De ce fait, le style symboliste ne propose pas un sens immédiatement accessible : c'est ce qu'on appelle l'hermétisme caractéristique du symbolisme. S'il veut comprendre le sens du poème, le lecteur doit donc faire un travail de décryptage. Par ailleurs, le fond est indissociable de la forme : la poésie et son vers ne peuvent pas être uniquement esthétiques, ils doivent participer à la construction du sens. La musique est un modèle pour les poètes, notamment pour Verlaine qui écrit dans son "Art poétique" : "de la musique avant toute chose". Le vers est libéré, les poètes n'hésitent pas à transgresser les contraintes plus classiques au point d'écrire des poèmes en prose : Verlaine préfère ainsi le vers impair qui est selon lui "plus vague et plus soluble dans l'air". La musicalité de la poésie symboliste passe également par le travail des sonorités comme l'allitération et l'assonance. Pour finir, le style symboliste se caractérise par sa dimension impersonnelle : en réaction au lyrisme romantique, les poètes symbolistes utilisent très peu le "je" poétique. La poésie symboliste ne s'intéresse en effet pas aux sentiments personnels du poète dans sa quête du Beau, de l'idéal et de l'idée : les thèmes abordés laissent de côté émotions et sentiments au profit du mythe, du rêve ou de la légende.