Métropole, 2005, voie S
À sa parution, le texte d'Hugo suscite un vif débat dans la presse. Vous écrivez alors un article polémique, dans lequel vous défendez ou, au contraire, attaquez, sa conception selon laquelle la poésie doit employer tous les moyens expressifs qu'elle désire, sans se plier aux règles.
Victor Hugo, "Réponse à un acte d'accusation", Les Contemplations, Livre premier, VII
1856
[Hugo rejette ici les normes classiques qui imposent leurs interdits au théâtre et en poésie.]
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes ;
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes1, ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versaille2 aux carrosses du roi ;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires3,
Habitant les patois ; quelques-uns aux galères
Dans l'argot ; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,
Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;
Populace du style au fond de l'ombre éparse ;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas4 leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqués d'une F ;
N'exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers ;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire : Qu'il s'en aille ;
Et Voltaire criait : Corneille s'encanaille !
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins; je m'écriai : Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ?
Et sur l'Académie, aïeule et douairière5,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d'alexandrins carrés,
Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !
Je fis une tempête au fond de l'encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l'essaim blanc des idées ;
Et je dis : Pas de mot où l'idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d'azur !
Discours affreux ! – Syllepse, hypallage, litote6,
Frémirent ; je montai sur la borne Aristote7,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les Huns, les Scythes et les Daces8,
N'étaient que des toutous auprès de mes audaces ;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?
1 Personnages de tragédies.
2 L'absence de la lettre "s" est volontaire.
3 Inquiétants.
4 Vaugelas : auteur des Remarques sur la langue française (1647). Il y codifie la langue selon l'usage de l'élite.
5 L'Académie française, garante des règles ; "Douairière" : vieille femme...
6 Figures de style.
7 Aristote, philosophe grec, avait codifié les genres et les styles.
8 Peuples considérés ici comme barbares.
Si on défend les règles et normes poétiques, quel mouvement littéraire doit-on défendre ?
Victor Hugo, "Réponse à un acte d'accusation", Les Contemplations, Livre premier, VII
1856
[Hugo rejette ici les normes classiques qui imposent leurs interdits au théâtre et en poésie.]
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes ;
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes1, ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versaille2 aux carrosses du roi ;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires3,
Habitant les patois ; quelques-uns aux galères
Dans l'argot ; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,
Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;
Populace du style au fond de l'ombre éparse ;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas4 leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqués d'une F ;
N'exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers ;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire : Qu'il s'en aille ;
Et Voltaire criait : Corneille s'encanaille !
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins; je m'écriai : Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ?
Et sur l'Académie, aïeule et douairière5,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d'alexandrins carrés,
Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !
Je fis une tempête au fond de l'encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l'essaim blanc des idées ;
Et je dis : Pas de mot où l'idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d'azur !
Discours affreux ! – Syllepse, hypallage, litote6,
Frémirent ; je montai sur la borne Aristote7,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les Huns, les Scythes et les Daces8,
N'étaient que des toutous auprès de mes audaces ;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?
1 Personnages de tragédies.
2 L'absence de la lettre "s" est volontaire.
3 Inquiétants.
4 Vaugelas : auteur des Remarques sur la langue française (1647). Il y codifie la langue selon l'usage de l'élite.
5 L'Académie française, garante des règles ; "Douairière" : vieille femme...
6 Figures de style.
7 Aristote, philosophe grec, avait codifié les genres et les styles.
8 Peuples considérés ici comme barbares.
Quelle personne l'émetteur de l'article de journal doit-il utiliser pour parler de lui/d'elle ?
Victor Hugo, "Réponse à un acte d'accusation", Les Contemplations, Livre premier, VII
1856
[Hugo rejette ici les normes classiques qui imposent leurs interdits au théâtre et en poésie.]
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes ;
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes1, ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versaille2 aux carrosses du roi ;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires3,
Habitant les patois ; quelques-uns aux galères
Dans l'argot ; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,
Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;
Populace du style au fond de l'ombre éparse ;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas4 leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqués d'une F ;
N'exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers ;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire : Qu'il s'en aille ;
Et Voltaire criait : Corneille s'encanaille !
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins; je m'écriai : Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ?
Et sur l'Académie, aïeule et douairière5,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d'alexandrins carrés,
Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !
Je fis une tempête au fond de l'encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l'essaim blanc des idées ;
Et je dis : Pas de mot où l'idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d'azur !
Discours affreux ! – Syllepse, hypallage, litote6,
Frémirent ; je montai sur la borne Aristote7,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les Huns, les Scythes et les Daces8,
N'étaient que des toutous auprès de mes audaces ;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?
1 Personnages de tragédies.
2 L'absence de la lettre "s" est volontaire.
3 Inquiétants.
4 Vaugelas : auteur des Remarques sur la langue française (1647). Il y codifie la langue selon l'usage de l'élite.
5 L'Académie française, garante des règles ; "Douairière" : vieille femme...
6 Figures de style.
7 Aristote, philosophe grec, avait codifié les genres et les styles.
8 Peuples considérés ici comme barbares.
Si l'on défend Victor Hugo, quel mouvement littéraire doit-on défendre ?
Victor Hugo, "Réponse à un acte d'accusation", Les Contemplations, Livre premier, VII
1856
[Hugo rejette ici les normes classiques qui imposent leurs interdits au théâtre et en poésie.]
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes ;
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes1, ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versaille2 aux carrosses du roi ;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires3,
Habitant les patois ; quelques-uns aux galères
Dans l'argot ; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,
Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;
Populace du style au fond de l'ombre éparse ;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas4 leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqués d'une F ;
N'exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers ;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire : Qu'il s'en aille ;
Et Voltaire criait : Corneille s'encanaille !
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins; je m'écriai : Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ?
Et sur l'Académie, aïeule et douairière5,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d'alexandrins carrés,
Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !
Je fis une tempête au fond de l'encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l'essaim blanc des idées ;
Et je dis : Pas de mot où l'idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d'azur !
Discours affreux ! – Syllepse, hypallage, litote6,
Frémirent ; je montai sur la borne Aristote7,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les Huns, les Scythes et les Daces8,
N'étaient que des toutous auprès de mes audaces ;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?
1 Personnages de tragédies.
2 L'absence de la lettre "s" est volontaire.
3 Inquiétants.
4 Vaugelas : auteur des Remarques sur la langue française (1647). Il y codifie la langue selon l'usage de l'élite.
5 L'Académie française, garante des règles ; "Douairière" : vieille femme...
6 Figures de style.
7 Aristote, philosophe grec, avait codifié les genres et les styles.
8 Peuples considérés ici comme barbares.
Pour que le texte soit polémique, que doit-on absolument trouver dans l'article ?
Victor Hugo, "Réponse à un acte d'accusation", Les Contemplations, Livre premier, VII
1856
[Hugo rejette ici les normes classiques qui imposent leurs interdits au théâtre et en poésie.]
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes ;
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes1, ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versaille2 aux carrosses du roi ;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires3,
Habitant les patois ; quelques-uns aux galères
Dans l'argot ; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,
Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;
Populace du style au fond de l'ombre éparse ;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas4 leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqués d'une F ;
N'exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers ;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire : Qu'il s'en aille ;
Et Voltaire criait : Corneille s'encanaille !
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins; je m'écriai : Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ?
Et sur l'Académie, aïeule et douairière5,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d'alexandrins carrés,
Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !
Je fis une tempête au fond de l'encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l'essaim blanc des idées ;
Et je dis : Pas de mot où l'idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d'azur !
Discours affreux ! – Syllepse, hypallage, litote6,
Frémirent ; je montai sur la borne Aristote7,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les Huns, les Scythes et les Daces8,
N'étaient que des toutous auprès de mes audaces ;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?
1 Personnages de tragédies.
2 L'absence de la lettre "s" est volontaire.
3 Inquiétants.
4 Vaugelas : auteur des Remarques sur la langue française (1647). Il y codifie la langue selon l'usage de l'élite.
5 L'Académie française, garante des règles ; "Douairière" : vieille femme...
6 Figures de style.
7 Aristote, philosophe grec, avait codifié les genres et les styles.
8 Peuples considérés ici comme barbares.
- Il faut respecter les règles de l'article journalistique. Comme il faut exprimer une opinion personnelle, l'utilisation de la première personne du singulier est attendue.
- Le sujet d'invention laisse le choix au rédacteur de choisir son camp. Il faut soit défendre les règles classiques et les normes littéraires en se positionnant contre Victor Hugo, soit défendre la liberté poétique que prône le poète.
- Il faut utiliser un registre polémique, on attend donc les marques de la première personne, une dévalorisation de la thèse adverse, des procédés d'insistance, des apostrophes, des provocations et le vocabulaire des émotions.
- On attend, pour chaque argument avancé, un exemple.
- Il faut reprendre les différents arguments avancés par Victor Hugo dans son poème. On peut les réfuter un à un, ou bien les défendre tous. Des citations ou références explicites au poème sont judicieuses.
- Il faut maîtriser l'histoire littéraire, et particulièrement la mise en place des règles classiques par Richelieu au XVIIe siècle.
- Le langage utilisé doit être soutenu.
Victor Hugo vient de publier "Réponse à un acte d'accusation". Ce poème met apparemment en émoi toute la société littéraire. Les uns accusent le grand romantique d'être trop violent et virulent, les autres d'insulter les plus grands, de Racine à Voltaire, et certains crachent sur ses vers jugés trop révolutionnaires. Quelques courageux poètes le défendent, mais les critiques aiment bien mieux lancer des tomates aux artistes que célébrer leur talent. Avouons-le, depuis Chateaubriand, aucun auteur n'a su avec une telle verve nous transporter aussi fortement. À seulement vingt-six ans, Victor Hugo écrivait Le Dernier Jour d'un condamné, et depuis tout le monde essaie de le traîner dans la boue. J'aime Racine et j'admire Voltaire, mais je le dis haut et fort, le proclame, l'assure et l'assume, Victor Hugo est le plus grand poète que nous ayons jamais eu, et son poème la plus belle déclaration poétique que nous ayons lue. On lui reproche de "vulgariser" la langue. Vulgaire... En voilà un mot qui ne signifie rien et peut tout vouloir dire ! Non, Hugo n'est pas vulgaire. Hugo est tout. Il est la crasse et la propreté, l'obscurité et la lumière, la violence et la douceur, la haine et l'amour. Il est, surtout, tout ce qu'il y a entre les extrêmes : Hugo est le monde et le monde l'en remercie. Rigide tradition française qui, depuis Richelieu et son obsession des normes, a enfermé les mots dans des cages hermétiques ! Tu es ceci, je suis cela, et surtout ne nous mélangeons pas ! Aristote dès l'Antiquité a voulu placer au-dessus de la comédie le genre si "noble" de la tragédie, et Boileau et le cardinal rouge ont achevé d'emprisonner les idées dans des cases bien séparées. Mais je dis non ! Je félicite Hugo et son ego d'être entrés avec fracas en littérature. Il n'y a pas si longtemps, on s'offusquait que Racine osât user du mot "chien" dans Phèdre... et on dénonçait les tragédies baroques du grand Corneille ! Les Français sont bien engoncés dans leurs normes, comme ils l'ont été dans leurs perruques et leurs bas blancs... Au XVIe siècle déjà, l'Angleterre rayonnait car l'immense Shakespeare avait déjà compris que grotesque et sublime ne font toujours qu'un.
On a reproché également à Victor, ce cher Victor, de mêler art et politique, de tremper sa plume dans l'encre de l'Histoire en oubliant ce que la poésie doit être. Doit être ? Mais la poésie, il a bien raison, la poésie est vie, la poésie est mouvement, la poésie est un tout grand et formidable qui s'adresse à tous les hommes et se nourrit de l'immensité de l'univers. Enfermer la poésie, mais c'est enfermer l'Homme, c'est réduire à néant imagination, ferveur, grandeur, génie ! La poésie n'est pas perchée en haut de son arbre lyrique ! La poésie est foisonnante, la poésie se nourrit des bruits des rues et du tintement des riches vaisselles, elle est le ciel, la mer, la terre, la boue... La poésie est l'Homme est l'homme est en lutte ! Toujours il cherche à être libre, il cherche à briser ses carcans, il cherche à sortir des prisons dans lesquelles on l'enferme, il cherche à respirer dans l'air insalubre des injustices et la violence terrible des monarques. La poésie, cher Victor, vous avez bien raison, la poésie c'est la révolution ! La poésie transcende, la poésie espère, la poésie défend, la poésie porte, la poésie transforme et surtout transfigure. Bien sûr qu'il faut se libérer des règles ! Qu'est-ce que cela, les trois unités ? Les hommes ne vivent-ils qu'un jour ? Les hommes ne suivent-ils qu'un fil ? Les hommes restent-ils toujours en un seul lieu ? Mais enfin qu'est-ce que cela ! Et on nous parle de bienséance, et on nous parle de vraisemblance... Mais la littérature peine déjà à montrer ce que l'Homme fait de plus fou ! Rien n'est moins vraisemblable que la vie elle-même ! Et bienséance, mais qu'est-ce que cela ? Une reine ne peut-elle dire "chien" ? Un "cochon" mérite-t-il l'opprobre ? Seul le cheval est poétique ? Passe encore le lion mais cachez-moi donc ce lièvre ? Non !
Victor Hugo a raison. Il se voit comme un maître créateur tout puissant, guidant le peuple et pourfendant les frileux qui veulent garder pour eux les mots compliqués d'hypallage, syllepse et litote. Il a raison ! Il faut des hommes qui n'hésitent pas à froisser Aristote, à moquer Racine, à chahuter Voltaire ! Il faut des hommes qui savent comme Shakespeare mêler les fous aux rois, les serviteurs aux puissants, la raillerie à l'éloge... Il faut des hommes qui savent ce qu'est la vie, qui savent la raconter, qui ne nous mentent pas. Il faut des tempêtes, il faut des vents, nous rappeler que Versailles est ridicule et que seuls les gueux unis peuvent faire avancer le monde. Les idées de Victor ne sont pas seulement belles, elles sont humaines, vraies, profondes... L'égalité des hommes, c'est l'égalité de parole. Si je ne peux nommer une idée, que cela signifie-t-il ? Toute idée doit pouvoir être verbalisée. Tout doit être dit. Et l'argot et le patois ne valent pas les haussements de sourcils qu'on se croit en droit de leur adresser. Victor Hugo dit cela mieux que moi, mais comme lui concluons, liberté, égalité, fraternité des hommes et des mots, "pourquoi pas" ?