La fidélité envers l'œuvre de Sophocle Exercice fondamental

En adaptant Œdipe roi, dans une grande partie de son film, Pasolini reste fidèle à la tragédie de Sophocle et au mythe d'Œdipe, en représentant les thèmes fondamentaux de la pièce, le sacré et le politique. Afin de rendre hommage à l'œuvre dont il s'inspire, il théâtralise sa mise en scène.

La fidélité de Pasolini envers Sophocle est visible dans la façon dont il traite le thème de la sacralité. Dans la pièce du dramaturge grec, la question des dieux et du respect qu'on leur doit est primordiale. Sophocle condamne les hommes qui ne savent pas rester à leur place. Il insiste sur l'importance d'être humble. Pasolini réalise son film à une époque différente, où la religion a reculé, où les hommes pratiquent moins les rites sacrés que dans l'Antiquité grecque. Il ne traite pas du polythéisme, mais évoque la religion chrétienne avec des références à Jésus et en filmant une cathédrale. Dans la pièce de Sophocle, les dieux disent la vérité. Dans le film de Pasolini, la recherche du religieux est une recherche de la réalité. En mettant en scène sa nostalgie pour la sacralité, Pasolini s'inscrit bien dans la continuité de Sophocle.

Dans sa pièce, Sophocle traite de la façon dont on fait de la politique, critiquant les tendances tyranniques d'Œdipe, se posant la question de ce qu'est un bon roi. Pasolini livre également un film politique, même s'il ne traite pas du même sujet que le dramaturge. Alors que Sophocle questionne la place de l'Homme au sein de la Cité, Pasolini se pose la question du rôle de l'art en politique. Il définit son film comme étant une œuvre nationale populaire, qui s'adresse aux ouvriers. Pasolini refuse de parler aux nantis, il crée pour le peuple qui souffre. Son œuvre est un manifeste contre la culture de masse qui est oppressive et antidémocratique. Même s'il le fait différemment, Pasolini insiste donc, comme Sophocle, sur l'aspect politique d'Œdipe roi.

Enfin, Pasolini rend hommage à Sophocle en théâtralisant sa mise en scène. Il choisit de célèbres acteurs de théâtre, comme Julian Beck qui joue le devin Tirésias. Il demande au costumier Danilo Donati des vêtements particulièrement symboliques, parfois grotesques, qui rappellent ce que portaient les acteurs dans l'Antiquité. De même, il choisit de faire porter un masque au Sphinx. Certaines coiffes et certains chapeaux portés par les personnages sont inspirés de la Grèce antique, comme le grand chapeau qu'Œdipe porte dans son errance. Pasolini, en livrant pourtant un film très personnel, reste donc fidèle à Sophocle.