La pièce, une tragédie du bonheur Exercice fondamental

On peut considérer que la pièce Œdipe roi est une tragédie du bonheur pour plusieurs raisons. Elle met en scène Œdipe qui passe du plus grand bonheur au plus grand malheur. Sophocle insiste sur l'idée de l'illusion du bonheur et livre une réflexion philosophique sur sa fragilité.

Le tragique de la destinée d'Œdipe repose sur sa chute, il passe du bonheur au malheur. Œdipe a fui Corinthe pour échapper à la tragédie que l'oracle de Delphes lui avait annoncée, et pour vivre heureux. Il a trouvé ce bonheur à Thèbes : il est un roi aimé et respecté, un mari comblé et un père heureux. Plusieurs personnages évoquent ce bonheur au cours de la pièce. Le Corinthien qui vient annoncer la mort de Polybe rappelle que c'est Jocaste qui est la source du bonheur d'Œdipe, ce que lui-même affirme d'ailleurs. Ce sont deux héros qui refusent de renoncer à leur joie.

Le tragique est là : le bonheur d'Œdipe et Jocaste n'est qu'une illusion. La pièce pose ainsi la question de savoir si le bonheur peut être autre chose qu'une chimère. N'est-on heureux que parce qu'on ignore la vérité ? Sophocle semble se demander s'il est préférable d'être aveugle ou voyant, de savoir ou de ne pas savoir. Le dramaturge fait d'ailleurs dire à Jocaste qu'elle préfère qu'Œdipe oublie tout, qu'il ne continue pas son enquête : elle comprend que quelque chose de terrible va se produire, elle refuse de perdre son bonheur. Mais la volonté d'Œdipe de savoir le pousse à continuer, et il découvre son malheur. Le bonheur n'est qu'une illusion, mais Sophocle paraît également affirmer que le savoir entraîne le malheur. Pour être heureux, il ne faut pas ouvrir les yeux.

Enfin, Sophocle souligne que le bonheur est fragile. C'est la leçon donnée par le chœur à la fin de la pièce : Œdipe était un homme comblé, tout le monde le considérait comme un roi heureux et un mari accompli. Mais finalement, tout cela est brisé. Jocaste se pend et Œdipe s'exile, abandonnant ses enfants. Il cède le trône de Thèbes. Il a tout perdu. Le bonheur est sujet au temps qui passe, il n'est jamais certain. Sophocle rappelle ici que tous les hommes peuvent connaître le malheur, que le plus grand bonheur peut cacher la plus terrible vérité. Ainsi, la pièce est bien une tragédie du bonheur : Sophocle apprend au spectateur qu'il est illusoire, fragile, et jamais acquis.