On donne un texte extrait des Contemplations de Victor Hugo (Texte A) et un texte extrait de l'essai Propos sur le bonheur d'Alain (Texte B).
Texte A
Temps sombre ! enfant ému du frisson poétique,
Pauvre oiseau qui heurtais du crâne mes barreaux,
On me livrait tout vif aux chiffres, noirs bourreaux ;
On me faisait de force ingurgiter l'algèbre :
On me liait au fond d'un Boisbertrand funèbre ;
On me tordait, depuis les ailes jusqu'au bec,
Sur l'affreux chevalet des X et des Y ;
Hélas ! on me fourrait sous les os maxillaires
Le théorème orné de tous ses corollaires ;
Et je me débattais, lugubre patient
Du diviseur prêtant main-forte au quotient.
De là mes cris.
Texte B
L'homme n'est heureux que de vouloir et d'inventer. Cela se voit dans le jeu de cartes ; il est clair, d'après les visages, que chacun contemple alors sa propre puissance de délibérer et de décider. Même dans les jeux de hasard, le joueur a tout pouvoir de risquer ou de ne pas risquer ; tantôt il ose, quel que soit le risque ; tantôt il s'abstient, quelle que soit l'espérance ; il se gouverne lui-même ; il règne. Le désir et la crainte, importuns conseillers dans les affaires ordinaires, sont ici hors du conseil, par l'impossibilité où l'on se trouve de prévoir. Aussi le jeu est-il la passion des âmes fières. Ceux qui se résignent à gagner en obéissant ne conçoivent même pas le plaisir de jouer au baccara ; mais, s'ils essaient, ils connaîtront au moins pendant un court moment l'ivresse du pouvoir.
Quelle est la thèse défendue par le texte A ?
- Le poème oppose l'émotion poétique et la tyrannie des chiffres.
 - Le poète parle de sa souffrance enfantine face à l'algèbre.
 
L'algèbre, s'il est imposé par la force à un enfant dont l'âme est plus poétique, sera vécu comme une souffrance.
Quelle est la thèse défendue par le texte B ?
- L'homme est un être d'invention et de volonté.
 - Le jeu de hasard permet de vérifier cette idée : c'est le lieu où il apprend à se contrôler, à dominer "désir et crainte" au nom de sa volonté et de son esprit d'invention.
 
Le texte B défend la thèse selon laquelle le jeu de hasard permet de libérer l'invention et la volonté du joueur.
Lequel de ces textes est convaincant ? Lequel est persuasif ?
- Le texte A met en avant la personne et le ressenti du poète qui s'exprime à la première personne du singulier. Il fait entendre sa voix dans les nombreuses modalités exclamatives. Il s'oppose au "on" qui le martyrise. C'est le champ lexical de l'émotion qui domine ("ému", "cris"...).
 - Le texte B est très construit, autour d'une progression logique. Il s'ouvre par l'expression de la thèse générale au présent gnomique. La suite est présentée comme un exemple qui vise à prouver cette thèse : "cela se voit dans le jeu de cartes". Il s'achève sur une conclusion : "aussi le jeu est-il la passion des âmes fières".
 
Le texte A cherche à persuader et le texte B cherche à convaincre.