On donne un texte extrait de l'essai Les Origines de la France contemporaine d'Hippolyte Taine (Texte A) et un texte extrait de la pièce Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand (Texte B).
Texte A
Tant qu'un homme ne s'intéresse qu'à soi, à sa fortune, à son avancement, à son succès personnel propre, il s'intéresse à bien peu de chose : tout cela est de médiocre importance et de courte durée, comme lui-même. À côté de cette barque qu'il conduit avec tant de soin, il y en a des milliers et des millions d'autres, de structure pareille et de taille à peu près égale : aucune d'elles ne vaut beaucoup, et la sienne ne vaut pas davantage. De quelque façon qu'il l'approvisionne et la manœuvre, elle restera toujours ce qu'elle est, étroite et fragile ; il a beau la pavoiser, la décorer, la pousser aux premiers rangs : en trois pas, il en fait le tour. C'est en vain qu'il la répare et la ménage ; au bout de quelques années, elle fait eau ; un peu plus tôt, un peu plus tard, elle s'effondre, elle va s'engloutir, et avec elle périra tout le travail qu'elle a coûté. Est-il raisonnable de tant travailler pour elle, et un si mince objet vaut-il la peine d'un si grand effort ?
Texte B
Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce,
Grimper par ruse au lieu de s'élever par force ?
Non, merci ! Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l'espoir vil de voir, aux lèvres d'un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci ! Déjeuner, chaque jour, d'un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l'endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?...
Non, merci ! D'une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l'autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
Quelle est la thèse défendue par le texte A ?
- Le texte met en avant la superficialité de l'ambition.
 - Il souligne les limites de la course au succès et la vanité d'une telle obsession.
 - Cette ambition est pour lui égoïste et stérile.
 
L'ambition dévorante et la course au succès sont égoïstes, vaines et stériles.
Quelle est la thèse défendue par le texte B ?
- Le personnage fait une tirade pour illustrer son refus de chercher un protecteur.
 - Il montre son dégoût pour toutes les formes de dépendance à un mécène qu'il associe à un esclavage intellectuel et moral.
 
Mieux vaut être pauvre et sans protection que de s'abaisser et s'asservir intellectuellement et moralement dans les systèmes de mécénat.
Lequel de ces textes est convaincant ? Lequel est persuasif ?
- Le texte A file une longue métaphore où il associe l'ambition à une barque fragile : ce faisant, il cherche à prouver son argument logique que l'ambition est égoïste et vaine car seul, l'individu ne vaut pas plus que les autres membres de la communauté. Il achève sa démonstration par une question rhétorique qui cherche à faire réfléchir le lecteur.
 - Le texte B cherche à émouvoir le lecteur par la voix du personnage. Les nombreuses questions rhétoriques auxquelles le personnage répond avec indignation cherchent moins à construire un raisonnement qu'à multiplier des exemples qui visent à communiquer la colère de Cyrano aux spectateurs. La récurrence de son refus formulé par l'exclamation "non, merci !" résume la thèse de cette célèbre tirade. L'ensemble relève du registre polémique.
 
Le texte A cherche à convaincre et le texte B cherche à persuader.