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  4. Question sur corpus type bac : La toute-puissance des personnages principaux

La toute-puissance des personnages principaux Question sur corpus type bac

Amérique du Nord, 2014, voie S

La toute-puissance des personnages principaux est-elle révélée par les mêmes procédés littéraires dans tous les textes ?

Document 1

Texte A : Honoré de Balzac, Le Père Goriot

1835

Vautrin, personnage mystérieux, et Rastignac, jeune noble désargenté, s'apprêtent à s'affronter en duel, pour une affaire d'argent. Rastignac, subjugué par Vautrin, accepte de l'écouter.

Vous voudriez bien savoir qui je suis, ce que j'ai fait, ou ce que je fais, reprit Vautrin. Vous êtes trop curieux, mon petit. Allons, du calme. Vous allez en entendre bien d'autres ! J'ai eu des malheurs. Écoutez-moi d'abord, vous me répondrez après. Voilà ma vie antérieure en trois mots. Qui suis-je ? Vautrin. Que fais-je ? Ce qui me plaît. Passons. Voulez-vous connaître mon caractère ? Je suis bon avec ceux qui me font du bien ou dont le cœur parle au mien. À ceux-là tout est permis, ils peuvent me donner des coups de pied dans les os des jambes sans que je leur dise : Prends garde ! Mais, nom d'une pipe ! Je suis méchant comme le diable avec ceux qui me tracassent, ou qui ne me reviennent pas. Et il est bon de vous apprendre que je me soucis de tuer un homme comme de ça ! dit-il en lançant un jet de salive. Seulement je m'efforce de le tuer proprement, quand il le faut absolument. Je suis ce que vous appelez un artiste. J'ai lu les Mémoires de Benvenuto Cellini1 , tel que vous me voyez, et en italien encore ! J'ai appris de cet homme-là, qui était un fier luron, à imiter la Providence2 qui nous tue à tort et à travers, et à aimer le beau partout où il se trouve. N'est-ce pas d'ailleurs une belle partie à jouer que d'être seul contre tous les hommes et d'avoir la chance ? J'ai bien réfléchi à la constitution actuelle de votre désordre social. Mon petit, le duel est un jeu d'enfant, une sottise. Quand de deux hommes vivants l'un doit disparaître, il faut être imbécile pour s'en remettre au hasard. Le duel ? croix ou pile3 ! Voilà. Je me mets cinq balles de suite dans un as de pique en renfonçant chaque nouvelle balle sur l'autre, et à trente-cinq pas encore ! Quand on est doué de ce petit talent-là, l'on peut se croire sûr d'abattre son homme. Eh bien ! J'ai tiré sur un homme à vingt pas, je l'ai manqué. Le drôle n'avait jamais manié de sa vie un pistolet. Tenez ! dit cet homme extraordinaire en défaisant son gilet et montrant sa poitrine velue comme le dos d'un ours, mais garnie d'un crin fauve qui causait une sorte de dégoût mêlé d'effroi, ce blanc-bec m'a roussi le poil, ajouta-t-il en mettant le doigt de Rastignac sur un trou qu'il avait au sein. Mais dans ce temps-là j'étais un enfant, j'avais votre âge, vingt et un ans. Je croyais encore à quelque chose, à l'amour d'une femme, un tas de bêtises dans lesquelles vous allez vous embarbouiller. Nous nous serions battus, pas vrai ? Vous auriez pu me tuer. Supposez que je sois en terre, où seriez-vous ? Il faudrait décamper, aller en Suisse, manger l'argent de papa, qui n'en a guère. Je vais vous éclairer, moi, la position dans laquelle vous êtes ; mais je vais le faire avec la supériorité d'un homme qui, après avoir examiné les choses d'ici-bas, a vu qu'il n'y avait que deux partis à prendre : ou une stupide obéissance ou la révolte. Je n'obéis à rien, est-ce clair ? Savez-vous ce qu'il vous faut, à vous, au train dont vous allez ? Un million, et promptement ; sans quoi, avec notre petite tête, nous pourrions aller flâner ans les filets de Saint-Cloud4, pour voir s'il y a un Être-Suprême5. Ce million, je vais vous le donner.

1 Benvenuto Cellini : célèbre artiste de la Renaissance, connu pour sa vie hardie et mouvementée
2 providence : nom donné au destin
3 croix ou pile : pile ou face
4 aller flâner dans les filets de Saint-Cloud : se jeter à la Seine. À la hauteur de Saint-Cloud, des filets tendus dans la Seine recueillaient les corps des noyés qui descendaient le fleuve.
5 Être-Suprême : nom donné à Dieu

Document 2

Texte B : Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo

1846

Jeune marin promis à un bel avenir, Edmond Dantès, victime d'un complot, a été injustement enfermé dans un cachot pendant quatorze ans. Évadé et devenu très riche, il vit sous le nom de "Comte de Monte-Cristo" et organise sa vengeance. Il se présente à l'un de ceux qui ont participé au complot, Monsieur de Villefort.

- Monsieur, dit Villefort, vous me confondez1, sur ma parole, et je n'ai jamais entendu parler personne comme vous faites.
- C'est que vous êtes constamment resté enfermé dans le cercle des conditions générales, et que vous n'avez jamais osé vous élever d'un coup d'aile dans les sphères supérieures que Dieu a peuplées d'être invisibles ou exceptionnels.
- Et vous admettez, monsieur, que ces sphères existent, et que les êtres exceptionnels et invisibles se mêlent à nous ?
- Pourquoi pas ? est-ce que vous voyez l'air que vous respirez et sans lequel vous ne pourriez pas vivre ?
- Alors, nous ne voyons pas ces êtres dont vous parlez ?
- Si fait, vous les voyez quand Dieu permet qu'ils se matérialisent ; vous les touchez, vous les coudoyez, vous leur parlez et ils vous répondent.
- Ah ! dit Villefort en souriant, j'avoue que je voudrais bien être prévenu quand un de ces êtres se trouvera en contact avec moi.
- Vous avez été servi à votre guise, monsieur ; car vous avez été prévenu tout à l'heure, et maintenant encore, je vous préviens.
- Ainsi, vous-même ?
- Je suis un de ces êtres exceptionnels, oui, monsieur, et je crois que, jusqu'à ce jour, aucun homme ne s'est trouvé dans une position semblable à la mienne. Les royaumes des rois sont limités, soit par des montagnes, soit pas des rivières, soit par un changement de mœurs, soit par une mutation de langage. Mon royaume, à moi, est grand comme le monde, car je ne suis ni Italien, ni Français, ni Indou, ni Américain, ni Espagnol : je suis cosmopolite. Nul pays ne peut dire qu'il m'a vu naître. Dieu seul sait quelle contrée me verra mourir. J'adopte tous les usages, je parle toutes les langues. Vous me croyez Français, vous, n'est-ce pas, car je parle le français avec la même facilité et la même pureté que vous ? eh bien ! Ali, mon Nubien2, me croit Arabe ; Bertuccio, mon intendant, me croit Romain ; Haydée, mon esclave, me croit Grec. Donc vous comprenez, n'étant d'aucun pays, ne demandant protection à aucun gouvernement, ne reconnaissant aucun homme pour mon frère, pas un seul des scrupules qui arrêtent les puissants ou des obstacles qui paralysent les faibles ne me paralyse ou ne m'arrête. Je n'ai que deux adversaires ; je ne dirai pas deux vainqueurs, car avec de la persistance je les soumets : c'est la distance et le temps. Le troisième, et le plus terrible, c'est ma condition d'homme mortel. Celle-là seule peut m'arrêter dans le chemin où je marche, et avant que j'aie atteint le but auquel je tends : tout le reste, je l'ai calculé. Ce que les hommes appellent les chances du sort, c'est-à-dire la ruine, le changement, les éventualités, je les ai toutes prévues ; et si quelques-unes peuvent m'atteindre, aucune ne peut me renverser. À moins que je meure, je serai toujours ce que je suis ; voilà pourquoi je vous dis des choses que vous n'avez jamais entendues, même de la bouche des rois, car les rois ont besoin de vous et les autres hommes en ont peur.

1 confondez : troublez, déconcertez
2 Nubien : homme de Nubie, région d'Afrique du Nord

Document 3

Texte C : Victor Hugo, Les Misérables

1862

M. Madeleine se tourna, et reconnut Javert. Il ne l'avait pas aperçu en arrivant.

Javert continua :

- C'est la force. Il faudrait être un terrible homme pour faire la chose de lever une voiture comme cela sur son dos.

Puis regardant fixement M. Madeleine, il poursuivit en appuyant sur chacun des mots qu'il prononçait :

- Monsieur Madeleine, je n'ai jamais connu qu'un seul homme capable de faire ce que vous demandez là.

Madeleine tressaillit.

Javert ajouta avec un air d'indifférence, mais sans quitter des yeux Madeleine :

- C'était un forçat.
- Ah ! dit Madeleine.
- Du bagne de Toulon.

Madeleine devint pâle.

Cependant la charrette continuait à s'enfoncer lentement. Le père Fauchelevent râlait et hurlait :

- J'étouffe ! Ça me brise les côtes ! Un cric ! quelque chose ! Ah !

Madeleine regarda autour de lui :

- Il n'y a donc personne qui veuille gagner vingt louis et sauver la vie à ce pauvre vieux ?

Aucun des assistants ne remua. Javert reprit :

- Je n'ai jamais connu qu'un homme qui pût remplacer un cric. C'était ce forçat.
- Ah ! voilà que ça m'écrase ! cria le vieillard.

Madeleine leva la tête, rencontra l'œil de faucon de Javert toujours attaché sur lui, regarda les paysans immobiles, et sourit tristement. Puis, sans dire une parole, il tomba à genoux, et avant même que la foule eût eu le temps de jeter un cri, il était sous la voiture. Il y eut un affreux moment d'attente et de silence.

On vit Madeleine presque à plat ventre sous ce poids effrayant essayer deux fois en vain de rapprocher ses coudes de ses genoux. On lui cria : - Père Madeleine ! Retirez-vous de là ! - Le vieux Fauchelevent lui-même lui dit : - Monsieur Madeleine ! Allez-vous-en ! C'est qu'il faut que je meure, voyez-vous ! Laissez-moi ! Vous allez vous faire écraser aussi ! - Madeleine ne répondit pas.

Les assistants haletaient. Les roues avaient continué de s'enfoncer, et il était déjà devenu presque impossible que Madeleine sortît de dessous la voiture. Tout à coup on vit l'énorme masse s'ébranler, la charrette se soulevait lentement, les roues sortaient à demi de l'ornière. On entendit une voix étouffée qui criait : - Dépêchez-vous ! Aidez ! C'était Madeleine qui venait de faire un dernier effort. Ils se précipitèrent. Le dévouement d'un seul avait donné de la force et du courage à tous. La charrette fut enlevée par vingt bras. Le vieux Fauchelevent était sauvé. Madeleine se releva. Il était blême1, quoique ruisselant de sueur. Ses habits étaient déchirés et couverts de boue. Tous pleuraient. Le vieillard lui baisait les genoux et l'appelait le bon Dieu. Lui, il avait sur le visage je ne sais quelle expression de souffrance heureuse et céleste, et il fixait son œil tranquille sur Javert qui le regardait toujours.

1 blême : pâle

Document 4

Texte D : Pierre Souvestre et Marcel Allain, Fantômas : l'agent secret

1910

Bobinette, une espionne, découvre la véritable identité de celui pour qui elle croit travailler : le clochard Vagualame…

- Vagualame, qui êtes-vous ? dites-le-moi…
- Qui je suis ! pardieu !... tu le demandes ? tu veux le savoir ? Eh bien ! qu'il soit fait suivant ta volonté !... C'est ta dernière volonté !... Qui je suis ?... regarde !

Lentement, d'un mouvement digne et sûr, Vagualame déroulait la longue cape dans laquelle il était enveloppé. Il arrachait son chapeau qu'il jetait à ses pieds et, les bras croisés, fixant Bobinette, il l'apostrophait :

- Ose dire mon nom ! Ose me nommer !...

Devant Bobinette se dressait une terrifiante silhouette.

Le mendiant de tout à l'heure, sa cape enlevée, dépouillé de son chapeau, apparaissait soudain non plus comme un vieillard au corps tassé, mais comme un homme à coup sûr jeune, vigoureux, superbement musclé. Il était vêtu, ganté plutôt, d'un maillot collant de laine noire qui, des pieds jusqu'au cou, le gainait étroitement…

Bobinette ne pouvait apercevoir son visage : celui-ci était dissimulé par une longue cagoule noire enveloppant entièrement sa tête ; seuls les yeux, d'où sortaient deux reflets fauves, deux regards de feu, lumineux, impressionnants dans leur fixité, étaient apparents…

Cette vision de cet homme, sans visage, sans ressemblance avec un autre homme, la vision de cette apparition, au masque anonyme, au corps de statue, de cet être qui n'était aucun être reconnaissable, avait quelque chose de si précis en son mystère que Bobinette, un quart de seconde, l'ayant contemplée, hurla d'une voix rauque, inhumaine, mourante :

- Fantômas ! ah ! vous êtes Fantômas !

…L'orage redoublait de violence, la tempête déchaînée multipliait ses hurlements sinistres, la nuit se faisait plus sombre, la pluie plus lourde, le vent plus impétueux !

- Fantômas ! vous êtes Fantômas !

Bobinette répétait inlassablement son exclamation.

Et telle était sa surprise, tel était son émoi de se trouver réellement en présence de l'insaisissable, de l'inidentifiable bandit qu'elle oubliait presque ses horribles menaces ; hébétée, anéantie, incapable d'une pensé consciente.

- Fantômas ! vous êtes Fantômas !

Comme à dessein, comme jouissant du trouble de la pauvre fille, le bandit ne se hâtait point de répondre.

- Eh bien, oui ! faisait-il enfin, je suis Fantômas !... Je suis celui que le monde entier recherche, que nul n'a jamais vu, pour personne, parce que la nuit, parce que le crime n'ont point de visage !... Je suis la puissance illimitée ; je suis celui qui se raille1 de tous les pouvoirs, de toutes les forces, de tous les efforts ! Je suis le maître de tous, de tout, de l'heure, du temps ! Je suis la Mort ! Bobinette, tu l'as dit, je suis Fantômas !...

1 se railler : se moquer

À quoi est comparé le personnage de Vautrin ?

Texte A : Honoré de Balzac, Le Père Goriot

1835

Vautrin, personnage mystérieux, et Rastignac, jeune noble désargenté, s'apprêtent à s'affronter en duel, pour une affaire d'argent. Rastignac, subjugué par Vautrin, accepte de l'écouter.

Vous voudriez bien savoir qui je suis, ce que j'ai fait, ou ce que je fais, reprit Vautrin. Vous êtes trop curieux, mon petit. Allons, du calme. Vous allez en entendre bien d'autres ! J'ai eu des malheurs. Écoutez-moi d'abord, vous me répondrez après. Voilà ma vie antérieure en trois mots. Qui suis-je ? Vautrin. Que fais-je ? Ce qui me plaît. Passons. Voulez-vous connaître mon caractère ? Je suis bon avec ceux qui me font du bien ou dont le cœur parle au mien. À ceux-là tout est permis, ils peuvent me donner des coups de pied dans les os des jambes sans que je leur dise : Prends garde ! Mais, nom d'une pipe ! Je suis méchant comme le diable avec ceux qui me tracassent, ou qui ne me reviennent pas. Et il est bon de vous apprendre que je me soucis de tuer un homme comme de ça ! dit-il en lançant un jet de salive. Seulement je m'efforce de le tuer proprement, quand il le faut absolument. Je suis ce que vous appelez un artiste. J'ai lu les Mémoires de Benvenuto Cellini1 , tel que vous me voyez, et en italien encore ! J'ai appris de cet homme-là, qui était un fier luron, à imiter la Providence2 qui nous tue à tort et à travers, et à aimer le beau partout où il se trouve. N'est-ce pas d'ailleurs une belle partie à jouer que d'être seul contre tous les hommes et d'avoir la chance ? J'ai bien réfléchi à la constitution actuelle de votre désordre social. Mon petit, le duel est un jeu d'enfant, une sottise. Quand de deux hommes vivants l'un doit disparaître, il faut être imbécile pour s'en remettre au hasard. Le duel ? croix ou pile3 ! Voilà. Je me mets cinq balles de suite dans un as de pique en renfonçant chaque nouvelle balle sur l'autre, et à trente-cinq pas encore ! Quand on est doué de ce petit talent-là, l'on peut se croire sûr d'abattre son homme. Eh bien ! J'ai tiré sur un homme à vingt pas, je l'ai manqué. Le drôle n'avait jamais manié de sa vie un pistolet. Tenez ! dit cet homme extraordinaire en défaisant son gilet et montrant sa poitrine velue comme le dos d'un ours, mais garnie d'un crin fauve qui causait une sorte de dégoût mêlé d'effroi, ce blanc-bec m'a roussi le poil, ajouta-t-il en mettant le doigt de Rastignac sur un trou qu'il avait au sein. Mais dans ce temps-là j'étais un enfant, j'avais votre âge, vingt et un ans. Je croyais encore à quelque chose, à l'amour d'une femme, un tas de bêtises dans lesquelles vous allez vous embarbouiller. Nous nous serions battus, pas vrai ? Vous auriez pu me tuer. Supposez que je sois en terre, où seriez-vous ? Il faudrait décamper, aller en Suisse, manger l'argent de papa, qui n'en a guère. Je vais vous éclairer, moi, la position dans laquelle vous êtes ; mais je vais le faire avec la supériorité d'un homme qui, après avoir examiné les choses d'ici-bas, a vu qu'il n'y avait que deux partis à prendre : ou une stupide obéissance ou la révolte. Je n'obéis à rien, est-ce clair ? Savez-vous ce qu'il vous faut, à vous, au train dont vous allez ? Un million, et promptement ; sans quoi, avec notre petite tête, nous pourrions aller flâner ans les filets de Saint-Cloud4, pour voir s'il y a un Être-Suprême5. Ce million, je vais vous le donner.

1 Benvenuto Cellini : célèbre artiste de la Renaissance, connu pour sa vie hardie et mouvementée
2 providence : nom donné au destin
3 croix ou pile : pile ou face
4 aller flâner dans les filets de Saint-Cloud : se jeter à la Seine. À la hauteur de Saint-Cloud, des filets tendus dans la Seine recueillaient les corps des noyés qui descendaient le fleuve.
5 Être-Suprême : nom donné à Dieu

Qui fait le portait du comte ?

Texte B : Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo

1846

Jeune marin promis à un bel avenir, Edmond Dantès, victime d'un complot, a été injustement enfermé dans un cachot pendant quatorze ans. Évadé et devenu très riche, il vit sous le nom de "Comte de Monte-Cristo" et organise sa vengeance. Il se présente à l'un de ceux qui ont participé au complot, Monsieur de Villefort.

- Monsieur, dit Villefort, vous me confondez1, sur ma parole, et je n'ai jamais entendu parler personne comme vous faites.
- C'est que vous êtes constamment resté enfermé dans le cercle des conditions générales, et que vous n'avez jamais osé vous élever d'un coup d'aile dans les sphères supérieures que Dieu a peuplées d'être invisibles ou exceptionnels.
- Et vous admettez, monsieur, que ces sphères existent, et que les êtres exceptionnels et invisibles se mêlent à nous ?
- Pourquoi pas ? est-ce que vous voyez l'air que vous respirez et sans lequel vous ne pourriez pas vivre ?
- Alors, nous ne voyons pas ces êtres dont vous parlez ?
- Si fait, vous les voyez quand Dieu permet qu'ils se matérialisent ; vous les touchez, vous les coudoyez, vous leur parlez et ils vous répondent.
- Ah ! dit Villefort en souriant, j'avoue que je voudrais bien être prévenu quand un de ces êtres se trouvera en contact avec moi.
- Vous avez été servi à votre guise, monsieur ; car vous avez été prévenu tout à l'heure, et maintenant encore, je vous préviens.
- Ainsi, vous-même ?
- Je suis un de ces êtres exceptionnels, oui, monsieur, et je crois que, jusqu'à ce jour, aucun homme ne s'est trouvé dans une position semblable à la mienne. Les royaumes des rois sont limités, soit par des montagnes, soit pas des rivières, soit par un changement de mœurs, soit par une mutation de langage. Mon royaume, à moi, est grand comme le monde, car je ne suis ni Italien, ni Français, ni Indou, ni Américain, ni Espagnol : je suis cosmopolite. Nul pays ne peut dire qu'il m'a vu naître. Dieu seul sait quelle contrée me verra mourir. J'adopte tous les usages, je parle toutes les langues. Vous me croyez Français, vous, n'est-ce pas, car je parle le français avec la même facilité et la même pureté que vous ? eh bien ! Ali, mon Nubien2, me croit Arabe ; Bertuccio, mon intendant, me croit Romain ; Haydée, mon esclave, me croit Grec. Donc vous comprenez, n'étant d'aucun pays, ne demandant protection à aucun gouvernement, ne reconnaissant aucun homme pour mon frère, pas un seul des scrupules qui arrêtent les puissants ou des obstacles qui paralysent les faibles ne me paralyse ou ne m'arrête. Je n'ai que deux adversaires ; je ne dirai pas deux vainqueurs, car avec de la persistance je les soumets : c'est la distance et le temps. Le troisième, et le plus terrible, c'est ma condition d'homme mortel. Celle-là seule peut m'arrêter dans le chemin où je marche, et avant que j'aie atteint le but auquel je tends : tout le reste, je l'ai calculé. Ce que les hommes appellent les chances du sort, c'est-à-dire la ruine, le changement, les éventualités, je les ai toutes prévues ; et si quelques-unes peuvent m'atteindre, aucune ne peut me renverser. À moins que je meure, je serai toujours ce que je suis ; voilà pourquoi je vous dis des choses que vous n'avez jamais entendues, même de la bouche des rois, car les rois ont besoin de vous et les autres hommes en ont peur.

1 confondez : troublez, déconcertez
2 Nubien : homme de Nubie, région d'Afrique du Nord

En quoi Jean Valjean est-il un surhomme ?

Texte C : Victor Hugo, Les Misérables

1862

M. Madeleine se tourna, et reconnut Javert. Il ne l'avait pas aperçu en arrivant.

Javert continua :

- C'est la force. Il faudrait être un terrible homme pour faire la chose de lever une voiture comme cela sur son dos.

Puis regardant fixement M. Madeleine, il poursuivit en appuyant sur chacun des mots qu'il prononçait :

- Monsieur Madeleine, je n'ai jamais connu qu'un seul homme capable de faire ce que vous demandez là.

Madeleine tressaillit.

Javert ajouta avec un air d'indifférence, mais sans quitter des yeux Madeleine :

- C'était un forçat.
- Ah ! dit Madeleine.
- Du bagne de Toulon.

Madeleine devint pâle.

Cependant la charrette continuait à s'enfoncer lentement. Le père Fauchelevent râlait et hurlait :

- J'étouffe ! Ça me brise les côtes ! Un cric ! quelque chose ! Ah !

Madeleine regarda autour de lui :

- Il n'y a donc personne qui veuille gagner vingt louis et sauver la vie à ce pauvre vieux ?

Aucun des assistants ne remua. Javert reprit :

- Je n'ai jamais connu qu'un homme qui pût remplacer un cric. C'était ce forçat.
- Ah ! voilà que ça m'écrase ! cria le vieillard.

Madeleine leva la tête, rencontra l'œil de faucon de Javert toujours attaché sur lui, regarda les paysans immobiles, et sourit tristement. Puis, sans dire une parole, il tomba à genoux, et avant même que la foule eût eu le temps de jeter un cri, il était sous la voiture. Il y eut un affreux moment d'attente et de silence.

On vit Madeleine presque à plat ventre sous ce poids effrayant essayer deux fois en vain de rapprocher ses coudes de ses genoux. On lui cria : - Père Madeleine ! Retirez-vous de là ! - Le vieux Fauchelevent lui-même lui dit : - Monsieur Madeleine ! Allez-vous-en ! C'est qu'il faut que je meure, voyez-vous ! Laissez-moi ! Vous allez vous faire écraser aussi ! - Madeleine ne répondit pas.

Les assistants haletaient. Les roues avaient continué de s'enfoncer, et il était déjà devenu presque impossible que Madeleine sortît de dessous la voiture. Tout à coup on vit l'énorme masse s'ébranler, la charrette se soulevait lentement, les roues sortaient à demi de l'ornière. On entendit une voix étouffée qui criait : - Dépêchez-vous ! Aidez ! C'était Madeleine qui venait de faire un dernier effort. Ils se précipitèrent. Le dévouement d'un seul avait donné de la force et du courage à tous. La charrette fut enlevée par vingt bras. Le vieux Fauchelevent était sauvé. Madeleine se releva. Il était blême1, quoique ruisselant de sueur. Ses habits étaient déchirés et couverts de boue. Tous pleuraient. Le vieillard lui baisait les genoux et l'appelait le bon Dieu. Lui, il avait sur le visage je ne sais quelle expression de souffrance heureuse et céleste, et il fixait son œil tranquille sur Javert qui le regardait toujours.

1 blême : pâle

Quelle figure stylistique trouve-t-on dans ce texte ?

Texte D : Pierre Souvestre et Marcel Allain, Fantômas : l'agent secret

1910

Bobinette, une espionne, découvre la véritable identité de celui pour qui elle croit travailler : le clochard Vagualame…

- Vagualame, qui êtes-vous ? dites-le-moi…
- Qui je suis ! pardieu !... tu le demandes ? tu veux le savoir ? Eh bien ! qu'il soit fait suivant ta volonté !... C'est ta dernière volonté !... Qui je suis ?... regarde !

Lentement, d'un mouvement digne et sûr, Vagualame déroulait la longue cape dans laquelle il était enveloppé. Il arrachait son chapeau qu'il jetait à ses pieds et, les bras croisés, fixant Bobinette, il l'apostrophait :

- Ose dire mon nom ! Ose me nommer !...

Devant Bobinette se dressait une terrifiante silhouette.

Le mendiant de tout à l'heure, sa cape enlevée, dépouillé de son chapeau, apparaissait soudain non plus comme un vieillard au corps tassé, mais comme un homme à coup sûr jeune, vigoureux, superbement musclé. Il était vêtu, ganté plutôt, d'un maillot collant de laine noire qui, des pieds jusqu'au cou, le gainait étroitement…

Bobinette ne pouvait apercevoir son visage : celui-ci était dissimulé par une longue cagoule noire enveloppant entièrement sa tête ; seuls les yeux, d'où sortaient deux reflets fauves, deux regards de feu, lumineux, impressionnants dans leur fixité, étaient apparents…

Cette vision de cet homme, sans visage, sans ressemblance avec un autre homme, la vision de cette apparition, au masque anonyme, au corps de statue, de cet être qui n'était aucun être reconnaissable, avait quelque chose de si précis en son mystère que Bobinette, un quart de seconde, l'ayant contemplée, hurla d'une voix rauque, inhumaine, mourante :

- Fantômas ! ah ! vous êtes Fantômas !

…L'orage redoublait de violence, la tempête déchaînée multipliait ses hurlements sinistres, la nuit se faisait plus sombre, la pluie plus lourde, le vent plus impétueux !

- Fantômas ! vous êtes Fantômas !

Bobinette répétait inlassablement son exclamation.

Et telle était sa surprise, tel était son émoi de se trouver réellement en présence de l'insaisissable, de l'inidentifiable bandit qu'elle oubliait presque ses horribles menaces ; hébétée, anéantie, incapable d'une pensé consciente.

- Fantômas ! vous êtes Fantômas !

Comme à dessein, comme jouissant du trouble de la pauvre fille, le bandit ne se hâtait point de répondre.

- Eh bien, oui ! faisait-il enfin, je suis Fantômas !... Je suis celui que le monde entier recherche, que nul n'a jamais vu, pour personne, parce que la nuit, parce que le crime n'ont point de visage !... Je suis la puissance illimitée ; je suis celui qui se raille1 de tous les pouvoirs, de toutes les forces, de tous les efforts ! Je suis le maître de tous, de tout, de l'heure, du temps ! Je suis la Mort ! Bobinette, tu l'as dit, je suis Fantômas !...

1Se railler : se moquer

Quelles figures de style sont utilisées pour exagérer ?

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