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Patrick Chamoiseau, L'Empreinte à Crusoé Commentaire type bac

Ce contenu a été rédigé par l'équipe éditoriale de Kartable.

Dernière modification : 24/10/2018 - Conforme au programme 2018-2019

Métropole, 2013, voie L

Faire le commentaire du texte suivant.

Texte D : Patrick Chamoiseau, L'Empreinte à Crusoé

2012

Le personnage du romancier martiniquais Patrick Chamoiseau ignore tout de son identité et de ses origines (il n'est pas sûr de s'appeler Robinson Crusoé). Au début du roman, alors qu'il est déjà dans l'île depuis vingt ans, il revient sur le rivage où il a repris conscience après le naufrage et se remémore les premiers temps de sa vie solitaire.

(…) Les objets rapportés de l'épave alimentèrent mes imaginations d'une dimension occidentale, j'étais prince, castillan1, chevalier, dignitaire de grande table, officier de légions ; j'allais entre des châteaux, des jardins de manoirs, traversais d'immenses salles habillées de velours ; déambulais sur des pavés crasseux, dans des ruelles jaunies par des lanternes huileuses : longeais des champs de blé qui ondoyaient sans fin au pied de hauts remparts... ; mais des images étranges surgissaient des trous de ma mémoire : vracs de forêts sombres dégoulinantes de mousses, des villes de terre auréolées de cendres et de jasmin, dunes de sable avalant l'infini, falaises recouvertes d'oiseaux noirs battant des ailes cendreuses ; ou bien des cris de femmes qui mélangeaient l'émotion de la mort à des chants d'allégresse… ; à cela s'ajoutait un lot d'étrangetés qui semblaient remonter de ma substance intime - … l'arrivée d'un chacal qui embarrasse des dieux… des lézards noirs et blancs qui tissent des étoffes… des jumeaux dans une calebasse de mil… bracelets de prêtres cliquetant autour d'un masque à cornes… - , mais elles étaient tellement incompatibles avec l'ensemble de mes évocations que je les mis au compte d'un résidu de souvenirs appartenant à quelque marin vantard que j'aurais rencontré ; de fait, reliées ensemble, mon imagination à partir des objets et ma mémoire obscure ne faisaient que chaos : toute possibilité de mettre au clair mon origine réelle disparaissait alors ;

*

quoi qu'il en soit, ces chimères ne durent pas être probantes ; à mesure que j'affrontais la puissance ennemie qu'étaient cette île et son entour, il m'arriva de défaillir au point d'admettre cette absence d'origine personnelle ; abandonnant toute consistance, je m'imaginais crabe, poulpe dans un trou de poulpe, petit de poulpes dans une engeance de poulpes ; je me retrouvais à faire le crapautard2 dans les bulles d'une vase ; mais le pire surgissait lorsque j'atteignais le point fixe d'une absence à moi-même : mon regard alors ne se posait sur rien, il captait juste l'auréole photogène3 des choses qui se trouvaient autour de moi ; je me mettais à renifler, à grogner et à tendre l'oreille vers ce qui m'entourait ; dans ces moments- là, je cheminais avec la bouche ouverte dégoulinante de bave, et je me sentais mieux quand mes mains s'associaient à mes pieds dans de longues galopades ; puis je m'en sortais (allez savoir comment !) et, pour sauvegarder un reste d'humanité, je revenais à ces fièvres narratives qui allaient posséder mon esprit durant de longues années ; je n'avais rien trouvé de mieux que de m'inventer ma propre histoire, de m'ensourcer dans une légende ; je me l'écrivais sur les pages délavées de quelques épais registres sauvés de la frégate, avec le sentiment de la serrer en moi, à portée d'un vouloir ; sans doute jaillissait-elle d'un ou de deux grands livres restés enfouis dans mon esprit ; des livres déjà écrits par d'autres mais que je n'avais qu'à réécrire, à désécrire, dont je n'avais qu'à élargir l'espace entre les phrases, entre les mots et leurs réalités, pour les remplir de ce que je devenais sans vraiment le savoir, et que j'aspirais à devenir sans être pour autant capable de l'énoncer ; (…)

1 Castillan : habitant de la Castille, en Espagne (le nom de cette région vient du mot "castillo", petit château)
2 Crapautard : mot inventé combinant "crapeau" et "tétard"
3 Photogène : qui génère de la lumière, luminescent.

Quand le personnage se compare à un animal, que fait l'auteur ?

Texte D : Patrick Chamoiseau, L'Empreinte à Crusoé

2012

Le personnage du romancier martiniquais Patrick Chamoiseau ignore tout de son identité et de ses origines (il n'est pas sûr de s'appeler Robinson Crusoé). Au début du roman, alors qu'il est déjà dans l'île depuis vingt ans, il revient sur le rivage où il a repris conscience après le naufrage et se remémore les premiers temps de sa vie solitaire.

(…) Les objets rapportés de l'épave alimentèrent mes imaginations d'une dimension occidentale, j'étais prince, castillan1, chevalier, dignitaire de grande table, officier de légions ; j'allais entre des châteaux, des jardins de manoirs, traversais d'immenses salles habillées de velours ; déambulais sur des pavés crasseux, dans des ruelles jaunies par des lanternes huileuses : longeais des champs de blé qui ondoyaient sans fin au pied de hauts remparts... ; mais des images étranges surgissaient des trous de ma mémoire : vracs de forêts sombres dégoulinantes de mousses, des villes de terre auréolées de cendres et de jasmin, dunes de sable avalant l'infini, falaises recouvertes d'oiseaux noirs battant des ailes cendreuses ; ou bien des cris de femmes qui mélangeaient l'émotion de la mort à des chants d'allégresse… ; à cela s'ajoutait un lot d'étrangetés qui semblaient remonter de ma substance intime - … l'arrivée d'un chacal qui embarrasse des dieux… des lézards noirs et blancs qui tissent des étoffes… des jumeaux dans une calebasse de mil… bracelets de prêtres cliquetant autour d'un masque à cornes… - , mais elles étaient tellement incompatibles avec l'ensemble de mes évocations que je les mis au compte d'un résidu de souvenirs appartenant à quelque marin vantard que j'aurais rencontré ; de fait, reliées ensemble, mon imagination à partir des objets et ma mémoire obscure ne faisaient que chaos : toute possibilité de mettre au clair mon origine réelle disparaissait alors ;

*

quoi qu'il en soit, ces chimères ne durent pas être probantes ; à mesure que j'affrontais la puissance ennemie qu'étaient cette île et son entour, il m'arriva de défaillir au point d'admettre cette absence d'origine personnelle ; abandonnant toute consistance, je m'imaginais crabe, poulpe dans un trou de poulpe, petit de poulpes dans une engeance de poulpes ; je me retrouvais à faire le crapautard2 dans les bulles d'une vase ; mais le pire surgissait lorsque j'atteignais le point fixe d'une absence à moi-même : mon regard alors ne se posait sur rien, il captait juste l'auréole photogène3 des choses qui se trouvaient autour de moi ; je me mettais à renifler, à grogner et à tendre l'oreille vers ce qui m'entourait ; dans ces moments- là, je cheminais avec la bouche ouverte dégoulinante de bave, et je me sentais mieux quand mes mains s'associaient à mes pieds dans de longues galopades ; puis je m'en sortais (allez savoir comment !) et, pour sauvegarder un reste d'humanité, je revenais à ces fièvres narratives qui allaient posséder mon esprit durant de longues années ; je n'avais rien trouvé de mieux que de m'inventer ma propre histoire, de m'ensourcer dans une légende ; je me l'écrivais sur les pages délavées de quelques épais registres sauvés de la frégate, avec le sentiment de la serrer en moi, à portée d'un vouloir ; sans doute jaillissait-elle d'un ou de deux grands livres restés enfouis dans mon esprit ; des livres déjà écrits par d'autres mais que je n'avais qu'à réécrire, à désécrire, dont je n'avais qu'à élargir l'espace entre les phrases, entre les mots et leurs réalités, pour les remplir de ce que je devenais sans vraiment le savoir, et que j'aspirais à devenir sans être pour autant capable de l'énoncer ; (…)

1 Castillan : habitant de la Castille, en Espagne (le nom de cette région vient du mot "castillo", petit château).
2 Crapautard : mot inventé combinant "crapeau" et "tétard"
3 Photogène : qui génère de la lumière, luminescent

Dans ce texte, que permet l'écriture ?

Texte D : Patrick Chamoiseau, L'Empreinte à Crusoé

2012

Le personnage du romancier martiniquais Patrick Chamoiseau ignore tout de son identité et de ses origines (il n'est pas sûr de s'appeler Robinson Crusoé). Au début du roman, alors qu'il est déjà dans l'île depuis vingt ans, il revient sur le rivage où il a repris conscience après le naufrage et se remémore les premiers temps de sa vie solitaire.

(…) Les objets rapportés de l'épave alimentèrent mes imaginations d'une dimension occidentale, j'étais prince, castillan1, chevalier, dignitaire de grande table, officier de légions ; j'allais entre des châteaux, des jardins de manoirs, traversais d'immenses salles habillées de velours ; déambulais sur des pavés crasseux, dans des ruelles jaunies par des lanternes huileuses : longeais des champs de blé qui ondoyaient sans fin au pied de hauts remparts... ; mais des images étranges surgissaient des trous de ma mémoire : vracs de forêts sombres dégoulinantes de mousses, des villes de terre auréolées de cendres et de jasmin, dunes de sable avalant l'infini, falaises recouvertes d'oiseaux noirs battant des ailes cendreuses ; ou bien des cris de femmes qui mélangeaient l'émotion de la mort à des chants d'allégresse… ; à cela s'ajoutait un lot d'étrangetés qui semblaient remonter de ma substance intime - … l'arrivée d'un chacal qui embarrasse des dieux… des lézards noirs et blancs qui tissent des étoffes… des jumeaux dans une calebasse de mil… bracelets de prêtres cliquetant autour d'un masque à cornes… - , mais elles étaient tellement incompatibles avec l'ensemble de mes évocations que je les mis au compte d'un résidu de souvenirs appartenant à quelque marin vantard que j'aurais rencontré ; de fait, reliées ensemble, mon imagination à partir des objets et ma mémoire obscure ne faisaient que chaos : toute possibilité de mettre au clair mon origine réelle disparaissait alors ;

*

quoi qu'il en soit, ces chimères ne durent pas être probantes ; à mesure que j'affrontais la puissance ennemie qu'étaient cette île et son entour, il m'arriva de défaillir au point d'admettre cette absence d'origine personnelle ; abandonnant toute consistance, je m'imaginais crabe, poulpe dans un trou de poulpe, petit de poulpes dans une engeance de poulpes ; je me retrouvais à faire le crapautard2 dans les bulles d'une vase ; mais le pire surgissait lorsque j'atteignais le point fixe d'une absence à moi-même : mon regard alors ne se posait sur rien, il captait juste l'auréole photogène3 des choses qui se trouvaient autour de moi ; je me mettais à renifler, à grogner et à tendre l'oreille vers ce qui m'entourait ; dans ces moments- là, je cheminais avec la bouche ouverte dégoulinante de bave, et je me sentais mieux quand mes mains s'associaient à mes pieds dans de longues galopades ; puis je m'en sortais (allez savoir comment !) et, pour sauvegarder un reste d'humanité, je revenais à ces fièvres narratives qui allaient posséder mon esprit durant de longues années ; je n'avais rien trouvé de mieux que de m'inventer ma propre histoire, de m'ensourcer dans une légende ; je me l'écrivais sur les pages délavées de quelques épais registres sauvés de la frégate, avec le sentiment de la serrer en moi, à portée d'un vouloir ; sans doute jaillissait-elle d'un ou de deux grands livres restés enfouis dans mon esprit ; des livres déjà écrits par d'autres mais que je n'avais qu'à réécrire, à désécrire, dont je n'avais qu'à élargir l'espace entre les phrases, entre les mots et leurs réalités, pour les remplir de ce que je devenais sans vraiment le savoir, et que j'aspirais à devenir sans être pour autant capable de l'énoncer ; (…)

1 Castillan : habitant de la Castille, en Espagne (le nom de cette région vient du mot "castillo", petit château).
2 Crapautard : mot inventé combinant "crapeau" et "tétard"
3 Photogène : qui génère de la lumière, luminescent.

À quel champ lexical les mots suivants appartiennent-ils ?

"livres", "je me l'écrivais", "écrits", "réécrire", "désécrire", "phrases", "mots" ?

Texte D : Patrick Chamoiseau, L'Empreinte à Crusoé

2012

Le personnage du romancier martiniquais Patrick Chamoiseau ignore tout de son identité et de ses origines (il n'est pas sûr de s'appeler Robinson Crusoé). Au début du roman, alors qu'il est déjà dans l'île depuis vingt ans, il revient sur le rivage où il a repris conscience après le naufrage et se remémore les premiers temps de sa vie solitaire.

(…) Les objets rapportés de l'épave alimentèrent mes imaginations d'une dimension occidentale, j'étais prince, castillan1, chevalier, dignitaire de grande table, officier de légions ; j'allais entre des châteaux, des jardins de manoirs, traversais d'immenses salles habillées de velours ; déambulais sur des pavés crasseux, dans des ruelles jaunies par des lanternes huileuses : longeais des champs de blé qui ondoyaient sans fin au pied de hauts remparts... ; mais des images étranges surgissaient des trous de ma mémoire : vracs de forêts sombres dégoulinantes de mousses, des villes de terre auréolées de cendres et de jasmin, dunes de sable avalant l'infini, falaises recouvertes d'oiseaux noirs battant des ailes cendreuses ; ou bien des cris de femmes qui mélangeaient l'émotion de la mort à des chants d'allégresse… ; à cela s'ajoutait un lot d'étrangetés qui semblaient remonter de ma substance intime - … l'arrivée d'un chacal qui embarrasse des dieux… des lézards noirs et blancs qui tissent des étoffes… des jumeaux dans une calebasse de mil… bracelets de prêtres cliquetant autour d'un masque à cornes… - , mais elles étaient tellement incompatibles avec l'ensemble de mes évocations que je les mis au compte d'un résidu de souvenirs appartenant à quelque marin vantard que j'aurais rencontré ; de fait, reliées ensemble, mon imagination à partir des objets et ma mémoire obscure ne faisaient que chaos : toute possibilité de mettre au clair mon origine réelle disparaissait alors ;

*

quoi qu'il en soit, ces chimères ne durent pas être probantes ; à mesure que j'affrontais la puissance ennemie qu'étaient cette île et son entour, il m'arriva de défaillir au point d'admettre cette absence d'origine personnelle ; abandonnant toute consistance, je m'imaginais crabe, poulpe dans un trou de poulpe, petit de poulpes dans une engeance de poulpes ; je me retrouvais à faire le crapautard2 dans les bulles d'une vase ; mais le pire surgissait lorsque j'atteignais le point fixe d'une absence à moi-même : mon regard alors ne se posait sur rien, il captait juste l'auréole photogène3 des choses qui se trouvaient autour de moi ; je me mettais à renifler, à grogner et à tendre l'oreille vers ce qui m'entourait ; dans ces moments- là, je cheminais avec la bouche ouverte dégoulinante de bave, et je me sentais mieux quand mes mains s'associaient à mes pieds dans de longues galopades ; puis je m'en sortais (allez savoir comment !) et, pour sauvegarder un reste d'humanité, je revenais à ces fièvres narratives qui allaient posséder mon esprit durant de longues années ; je n'avais rien trouvé de mieux que de m'inventer ma propre histoire, de m'ensourcer dans une légende ; je me l'écrivais sur les pages délavées de quelques épais registres sauvés de la frégate, avec le sentiment de la serrer en moi, à portée d'un vouloir ; sans doute jaillissait-elle d'un ou de deux grands livres restés enfouis dans mon esprit ; des livres déjà écrits par d'autres mais que je n'avais qu'à réécrire, à désécrire, dont je n'avais qu'à élargir l'espace entre les phrases, entre les mots et leurs réalités, pour les remplir de ce que je devenais sans vraiment le savoir, et que j'aspirais à devenir sans être pour autant capable de l'énoncer ; (…)

1 Castillan : habitant de la Castille, en Espagne (le nom de cette région vient du mot "castillo", petit château).
2 Crapautard : mot inventé combinant "crapeau" et "tétard"
3 Photogène : qui génère de la lumière, luminescent.

À quel problème le personnage est-il confronté dans ce texte ?

Texte D : Patrick Chamoiseau, L'Empreinte à Crusoé

2012

Le personnage du romancier martiniquais Patrick Chamoiseau ignore tout de son identité et de ses origines (il n'est pas sûr de s'appeler Robinson Crusoé). Au début du roman, alors qu'il est déjà dans l'île depuis vingt ans, il revient sur le rivage où il a repris conscience après le naufrage et se remémore les premiers temps de sa vie solitaire.

(…) Les objets rapportés de l'épave alimentèrent mes imaginations d'une dimension occidentale, j'étais prince, castillan1, chevalier, dignitaire de grande table, officier de légions ; j'allais entre des châteaux, des jardins de manoirs, traversais d'immenses salles habillées de velours ; déambulais sur des pavés crasseux, dans des ruelles jaunies par des lanternes huileuses : longeais des champs de blé qui ondoyaient sans fin au pied de hauts remparts... ; mais des images étranges surgissaient des trous de ma mémoire : vracs de forêts sombres dégoulinantes de mousses, des villes de terre auréolées de cendres et de jasmin, dunes de sable avalant l'infini, falaises recouvertes d'oiseaux noirs battant des ailes cendreuses ; ou bien des cris de femmes qui mélangeaient l'émotion de la mort à des chants d'allégresse… ; à cela s'ajoutait un lot d'étrangetés qui semblaient remonter de ma substance intime - … l'arrivée d'un chacal qui embarrasse des dieux… des lézards noirs et blancs qui tissent des étoffes… des jumeaux dans une calebasse de mil… bracelets de prêtres cliquetant autour d'un masque à cornes… - , mais elles étaient tellement incompatibles avec l'ensemble de mes évocations que je les mis au compte d'un résidu de souvenirs appartenant à quelque marin vantard que j'aurais rencontré ; de fait, reliées ensemble, mon imagination à partir des objets et ma mémoire obscure ne faisaient que chaos : toute possibilité de mettre au clair mon origine réelle disparaissait alors ;

*

quoi qu'il en soit, ces chimères ne durent pas être probantes ; à mesure que j'affrontais la puissance ennemie qu'étaient cette île et son entour, il m'arriva de défaillir au point d'admettre cette absence d'origine personnelle ; abandonnant toute consistance, je m'imaginais crabe, poulpe dans un trou de poulpe, petit de poulpes dans une engeance de poulpes ; je me retrouvais à faire le crapautard2 dans les bulles d'une vase ; mais le pire surgissait lorsque j'atteignais le point fixe d'une absence à moi-même : mon regard alors ne se posait sur rien, il captait juste l'auréole photogène3 des choses qui se trouvaient autour de moi ; je me mettais à renifler, à grogner et à tendre l'oreille vers ce qui m'entourait ; dans ces moments- là, je cheminais avec la bouche ouverte dégoulinante de bave, et je me sentais mieux quand mes mains s'associaient à mes pieds dans de longues galopades ; puis je m'en sortais (allez savoir comment !) et, pour sauvegarder un reste d'humanité, je revenais à ces fièvres narratives qui allaient posséder mon esprit durant de longues années ; je n'avais rien trouvé de mieux que de m'inventer ma propre histoire, de m'ensourcer dans une légende ; je me l'écrivais sur les pages délavées de quelques épais registres sauvés de la frégate, avec le sentiment de la serrer en moi, à portée d'un vouloir ; sans doute jaillissait-elle d'un ou de deux grands livres restés enfouis dans mon esprit ; des livres déjà écrits par d'autres mais que je n'avais qu'à réécrire, à désécrire, dont je n'avais qu'à élargir l'espace entre les phrases, entre les mots et leurs réalités, pour les remplir de ce que je devenais sans vraiment le savoir, et que j'aspirais à devenir sans être pour autant capable de l'énoncer ; (…)

1 Castillan : habitant de la Castille, en Espagne (le nom de cette région vient du mot "castillo", petit château).
2 Crapautard : mot inventé combinant "crapeau" et "tétard"
3 Photogène : qui génère de la lumière, luminescent.

Quelle forme prend l'article indéfini en français ?

L'Empreinte à Crusoé est une réécriture de l'histoire de Robinson Crusoé, immortalisée d'abord par Daniel Defoe. Le livre, écrit par Patrick Chamoiseau, écrivain français originaire de la Martinique, a été publié en 2012. Son œuvre est marquée par l'oralité, et la culture créole.
Le passage étudié plonge le lecteur dans les pensées de Robinson, alors qu'il tente de se souvenir de qui il est. Patrick Chamoiseau fait ainsi le portrait d'un homme qui se construit par l'écriture, en confrontant sa nature à la vie sauvage.
Comment l'auteur aborde-t-il le thème de l'écriture, en plongeant son personnage dans une quête d'identité ?
Dans une première partie, nous verrons comment le retour à la vie sauvage plonge Robinson dans une quête d'identité. Puis dans une seconde partie, nous traiterons du thème de la perte, avant d'aborder dans une troisième partie la façon dont l'écriture permet la construction de soi.

I

Une quête d'identité

A

L'impossible retour aux racines

  • On a l'impression que le personnage approuve une impossibilité de se souvenir, nombreuses expressions qui soulignent cette idée de flou : "trous de mémoire", "cendres", "cendreuse", "évocations", "chaos", "chimères", "absence", "absence à moi-même". L'ensemble du texte est composé de bribes de phrases, avec de nombreux points de suspension.
  • On retrouve de nombreuses phrases nominales : "vracs de forêts", "villes de terre", "dunes de sable", "falaises recouvertes". Tout est indéfini comme le souligne l'abondance d'adjectifs indéfinis "de", "des" mais aussi "quelque" et "quelques".
  • Le narrateur n'arrive pas à se souvenir d'où il vient, ses souvenirs sont imprécis : "résidu de souvenirs".
B

Le retour à la vie sauvage

  • On note une nette opposition entre le monde civilisé et la nature sauvage.
  • Au fur et à mesure, il y a une accentuation sur un monde sombre et indéfinissable, sauvage : "cendres", "cendreuse", "noirs".
  • La nature est mystérieuse et inquiétante : "dégoulinantes de mousse".
  • Le champ lexical des animaux est présent : "lézard", "chacal", "cornes"; "poulpes", "crabe", etc.
C

L'opposition Occident/Afrique

  • Ce retour à la vie sauvage permet une opposition entre Occident et Afrique.
  • L'Afrique apparaît mystérieuse et étrange.
  • L'auteur parle d'images avec une "dimension occidentale" qui s'opposent aux animaux de l'Afrique, mais aussi aux "prêtres" et au "masque à cornes", qui rappellent les rituels des tribus africaines.

La quête d'identité du narrateur s'accompagne du thème de la perte.

II

Le thème de la perte

A

La perte d'identité

  • On trouve de nombreuses indéterminations. Le narrateur ignore qui il est. Il perd son identité comme en témoigne la répétition d'"absence".
  • Le mot "étrange" est répété à plusieurs reprises ainsi que ses synonymes : "sombres", "étrangetés", "obscure".
  • Le narrateur s'imagine métamorphosé en crabe, poulpe, "crapautard". Il court comme un animal terrestre, à quatre pattes.
  • Il y a une idée de disparition : verbe "disparaître" répété deux fois.
B

Une déshumanisation

  • Le personnage perd son humanité, il devient un animal.
  • Les métamorphoses sont inquiétantes :"bouche dégoulinante de bave", "je me mettais à renifler, à grogner et à tendre l'oreille", "longues galopades". Champ lexical associé au monde animal.
  • Elles sont parfois associées à des éléments étranges : "bulles de vase ".
  • Le narrateur n'a plus de consistance : "abandonnant toute consistance".

La perte d'identité s'accompagne d'une réécriture de soi pour s'inventer un passé.

III

La réécriture de soi

A

De nouvelles origines

  • L'écriture permet de se réinventer : "m'inventer ma propre histoire". Le mot "histoire" signifie à la fois s'inventer une biographie et se plonger dans la fiction.
  • On note l'idée de légende: "m'ensourcer dans une légende". La légende nourrit le narrateur autant qu'il la nourrit.
  • Celle de "source" rappelle l'inspiration de l'écrivain : "fièvres narratives", "je me l'écrivais", "livres" répété deux fois.
B

Une renaissance dans l'écriture

  • Le champ lexical de l'écriture est développé : "livres", "je me l'écrivais", "écrits", "réécrire", "désécrire", "phrases", "mots".
  • L'écriture permet la renaissance. Il y a des traces passées qu'il faut éclairer, se rappeler, réécrire : "registres délavés", "entre les phrases, entre les mots et leurs réalités".
  • Il fait allusion aux "espaces" blancs des livres dans lesquels on peut "élargir" et "remplir".
  • L'écriture est l'acte de donner la vie.

Le texte permet donc une réflexion sur l'état de nature et l'homme civilisé, en plongeant Robinson dans une quête d'identité où ces deux idées s'affrontent. Le thème de la perte est très présent, et le personnage semble incapable de retrouver ses racines. Il doit donc s'en inventer de nouvelles, et choisit pour cela l'écriture.
On observe une mise en abîme, puisque la vie de Robinson devient une métaphore de l'écriture et de la quête d'identité. Le personnage se pose les grandes questions humaines : qui suis-je, d'où je viens, quel est le sens de ma vie ?

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