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La réécriture porte-t-elle atteinte à l'œuvre dont on s'inspire ? Dissertation type bac

Ce contenu a été rédigé par l'équipe éditoriale de Kartable.

Dernière modification : 24/10/2018 - Conforme au programme 2018-2019

Polynésie, 2013, voie L

Vous répondrez à cette question de manière organisée, en vous appuyant sur les textes du corpus, sur les oeuvres étudiées en classe, ainsi que sur vos lectures personnelles.

Pensez-vous que la réécriture porte atteinte à l'œuvre dont on s'inspire ?

Document 1

Texte A : Charles Perrault, "La Belle au bois dormant", Contes

1696

"Mon prince, il y a plus de cinquante ans que j'ai ouï dire à mon père qu'il y avait dans ce Château une Princesse, la plus belle du monde ; qu'elle devait y dormir cent ans, et qu'elle serait réveillée par le fils d'un Roi, à qui elle était réservée."1 Le jeune Prince à ce discours se sentit tout de feu ; il crut sans hésiter qu'il mettrait fin à une si belle aventure ; et poussé par l'amour et par la gloire, il résolut de voir sur-le-champ ce qu'il en était. À peine s'avança-t-il vers le bois, que tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s'écartèrent d'eux-mêmes pour le laisser passer : il marcha vers le Château qu'il voyait au bout d'une grande avenue où il entra, et ce qui le surprit un peu, il vit que personne de ses gens ne l'avait pu suivre, parce que les arbres s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé. Il ne laissa pas de continuer son chemin : un Prince jeune et amoureux est toujours vaillant. Il entra dans une grande avant-cour où tout ce qu'il vit d'abord était capable de le glacer de crainte : c'était un silence affreux, l'image de la mort s'y présentait partout, et ce n'était que des corps étendus d'hommes et d'animaux, qui paraissaient morts. Il reconnut pourtant bien au nez bourgeonné et à la face vermeille des Suisses qu'ils n'étaient qu'endormis, et leurs tasses, où il y avait encore quelques gouttes de vin, montraient assez qu'ils s'étaient endormis en buvant. Il passe une grande cour pavée de marbre, il monte l'escalier, il entre dans la salle des Gardes qui étaient rangés en haie, la carabine sur l'épaule, et ronflants de leur mieux. Il traverse plusieurs chambres pleines de Gentilshommes et de Dames, dormant tous, les uns debout, les autres assis ; il entre dans une chambre toute dorée, et il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous côtés, le plus beau spectacle qu'il eût jamais vu : une Princesse qui paraissait avoir quinze ou seize ans, et dont l'éclat resplendissant avait quelque chose de lumineux et de divin. Il s'approcha en tremblant et en admirant, et se mit à genoux auprès d'elle. Alors comme la fin de l'enchantement était venue, la Princesse s'éveilla ; et le regardant avec des yeux plus tendres qu'une première vue ne semblait le permettre : "Est-ce vous, mon Prince ? lui dit-elle, vous vous êtes bien fait attendre."
Le Prince charmé de ces paroles, et plus encore de la manière dont elles étaient dites, ne savait comment lui témoigner sa joie et sa reconnaissance ; il l'assura qu'il l'aimait plus que lui-même. Ses discours furent mal rangés, ils en plurent davantage ; peu d'éloquence, beaucoup d'amour. Il était plus embarrassé qu'elle, et l'on ne doit pas s'en étonner ; elle avait eu le temps de songer à ce qu'elle aurait à lui dire, car il y a apparence (l'histoire n'en dit pourtant rien) que la bonne Fée, pendant un si long sommeil, lui avait procuré le plaisir des songes agréables. Enfin il y avait quatre heures qu'ils se parlaient, et ils ne s'étaient pas encore dit la moitié des choses qu'ils avaient à se dire.

1 Paroles adressées au Prince par un paysan

Document 2

Texte B : Catulle Mendès, "La Belle au bois rêvant", Les Oiseaux bleus

1888

- Un autre délice, le plus grand de tous vous attend.
- Eh ! lequel ?
- Vous serez aimée !
- Par qui ?
- Par moi ! Si vous ne me jugez pas indigne de prétendre à votre tendresse…
- Vous êtes un prince de bonne mine, et votre habit vous va fort bien.
- …Si vous daignez ne pas repousser mes vœux, je vous donnerai tout mon cœur, comme un autre royaume dont vous serez la souveraine, et je ne cesserai jamais d'être l'esclave reconnaissant de vos cruels caprices.
- Ah ! quel bonheur vous me promettez !
- Levez-vous donc, chère âme, et suivez-moi.
- Vous suivre ? déjà ? Attendez un peu. Il y a sans doute plus d'une chose tentante parmi tout ce que vous m'offrez, mais savez-vous si, pour l'obtenir, il ne me faudrait pas quitter mieux ?
- Que voulez-vous dire, princesse ?
- Je dors depuis un siècle, c'est vrai, mais, depuis un siècle, je rêve. Je suis reine aussi, dans mes songes, et de quel divin royaume ! Mon palais a des murs de lumière ; j'ai pour courtisans des anges qui me célèbrent en des musiques d'une douceur infinie, je marche sur des jonchées d'étoiles. Si vous saviez de quelles belles robes je m'habille, et les fruits sans pareils que l'on met sur ma table, et les vins de miel où je trempe mes lèvres ! Pour ce qui est de l'amour, croyez bien qu'il ne me fait pas défaut ; car je suis adorée par un époux plus beau que tous les princes du monde et fidèle depuis cent ans. Tout bien considéré, monseigneur, je crois que je ne gagnerais rien à sortir de mon enchantement ; je vous prie de me laisser dormir.

Là-dessus, elle se tourna vers la ruelle, ramenant ses cheveux sur ses yeux, et reprit son long somme, tandis que Pouffe, la petite chienne, cessait de japper, contente, le museau sur les pattes. Le prince s'éloigna fort penaud. Et, depuis ce temps, grâce à la protection des bonnes fées, personne n'est venu troubler dans son sommeil la "Belle au bois rêvant".

Document 3

Texte C : Paul Valéry, "La Belle au bois dormant", La Conque

1891

La Belle au bois dormant

La Princesse, dans un palais de roses pures
Sous les murmures et les feuilles, toujours dort.
Elle dit en rêvant des paroles obscures
Et les oiseaux perdus mordent ses bagues d'or.

Elle n'écoute ni les gouttes dans leurs chutes
Tinter, au fond des fleurs lointaines, lentement
Ni s'enfuir la douceur pastorale1 des flûtes
Dont la rumeur antique emplit le bois dormant.

…Ô belle ! suis en paix ta nonchalante idylle
Elle est si tendre l'ombre à ton sommeil tranquille
Qui baigne de parfums tes yeux ensevelis :

Et, songe, bienheureuse, en tes paupières closes
Princesse pâle dont les rêves sont jolis
À l'éternel dormir sous les gestes des Roses !

1 Douceur pastorale : qui évoque la campagne et les plaisirs champêtres des bergers.

Document 4

Texte D : Paul Valéry, "Au bois dormant", Album de vers anciens

1920

Au bois dormant

La princesse, dans un palais de rose pure,
Sous les murmures, sous la mobile ombre dort,
Et de corail ébauche une parole obscure
Quand les oiseaux perdus mordent ses bagues d'or.

Elle n'écoute ni les gouttes, dans leurs chutes,
Tinter d'un siècle vide au lointain le trésor,
Ni, sur la forêt vague, un vent fondu de flûtes
Déchirer la rumeur d'une phrase de cor.

Laisse, longue, l'écho rendormir la diane1,
Ô toujours plus égale à la molle liane
Qui se balance et bat tes yeux ensevelis.

Si proche de ta joue et si lente la rose
Ne va pas dissiper ce délice de plis
Secrètement sensible au rayon qui s'y pose.

1 La diane : sonnerie d'instrument à cuivre (cor, clairon, etc.)

De quoi s'inspire Charles Perrault pour écrire ce conte ?

Texte A : Charles Perrault, "La Belle au bois dormant", Contes

1696

"Mon prince, il y a plus de cinquante ans que j'ai ouï dire à mon père qu'il y avait dans ce Château une Princesse, la plus belle du monde ; qu'elle devait y dormir cent ans, et qu'elle serait réveillée par le fils d'un Roi, à qui elle était réservée."1 Le jeune Prince à ce discours se sentit tout de feu ; il crut sans hésiter qu'il mettrait fin à une si belle aventure ; et poussé par l'amour et par la gloire, il résolut de voir sur-le-champ ce qu'il en était. À peine s'avança-t-il vers le bois, que tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s'écartèrent d'eux-mêmes pour le laisser passer : il marcha vers le Château qu'il voyait au bout d'une grande avenue où il entra, et ce qui le surprit un peu, il vit que personne de ses gens ne l'avait pu suivre, parce que les arbres s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé. Il ne laissa pas de continuer son chemin : un Prince jeune et amoureux est toujours vaillant. Il entra dans une grande avant-cour où tout ce qu'il vit d'abord était capable de le glacer de crainte : c'était un silence affreux, l'image de la mort s'y présentait partout, et ce n'était que des corps étendus d'hommes et d'animaux, qui paraissaient morts. Il reconnut pourtant bien au nez bourgeonné et à la face vermeille des Suisses qu'ils n'étaient qu'endormis, et leurs tasses, où il y avait encore quelques gouttes de vin, montraient assez qu'ils s'étaient endormis en buvant. Il passe une grande cour pavée de marbre, il monte l'escalier, il entre dans la salle des Gardes qui étaient rangés en haie, la carabine sur l'épaule, et ronflants de leur mieux. Il traverse plusieurs chambres pleines de Gentilshommes et de Dames, dormant tous, les uns debout, les autres assis ; il entre dans une chambre toute dorée, et il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous côtés, le plus beau spectacle qu'il eût jamais vu : une Princesse qui paraissait avoir quinze ou seize ans, et dont l'éclat resplendissant avait quelque chose de lumineux et de divin. Il s'approcha en tremblant et en admirant, et se mit à genoux auprès d'elle. Alors comme la fin de l'enchantement était venue, la Princesse s'éveilla ; et le regardant avec des yeux plus tendres qu'une première vue ne semblait le permettre : "Est-ce vous, mon Prince ? lui dit-elle, vous vous êtes bien fait attendre."
Le Prince charmé de ces paroles, et plus encore de la manière dont elles étaient dites, ne savait comment lui témoigner sa joie et sa reconnaissance ; il l'assura qu'il l'aimait plus que lui-même. Ses discours furent mal rangés, ils en plurent davantage ; peu d'éloquence, beaucoup d'amour. Il était plus embarrassé qu'elle, et l'on ne doit pas s'en étonner ; elle avait eu le temps de songer à ce qu'elle aurait à lui dire, car il y a apparence (l'histoire n'en dit pourtant rien) que la bonne Fée, pendant un si long sommeil, lui avait procuré le plaisir des songes agréables. Enfin il y avait quatre heures qu'ils se parlaient, et ils ne s'étaient pas encore dit la moitié des choses qu'ils avaient à se dire.

1 Paroles adressées au Prince par un paysan

Que fait Catulle Mendès en réécrivant "La Belle au bois dormant" ?

Document 1

Texte A : Charles Perrault, "La Belle au bois dormant", Contes

1696

"Mon prince, il y a plus de cinquante ans que j'ai ouï dire à mon père qu'il y avait dans ce Château une Princesse, la plus belle du monde ; qu'elle devait y dormir cent ans, et qu'elle serait réveillée par le fils d'un Roi, à qui elle était réservée."1 Le jeune Prince à ce discours se sentit tout de feu ; il crut sans hésiter qu'il mettrait fin à une si belle aventure ; et poussé par l'amour et par la gloire, il résolut de voir sur-le-champ ce qu'il en était. À peine s'avança-t-il vers le bois, que tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s'écartèrent d'eux-mêmes pour le laisser passer : il marcha vers le Château qu'il voyait au bout d'une grande avenue où il entra, et ce qui le surprit un peu, il vit que personne de ses gens ne l'avait pu suivre, parce que les arbres s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé. Il ne laissa pas de continuer son chemin : un Prince jeune et amoureux est toujours vaillant. Il entra dans une grande avant-cour où tout ce qu'il vit d'abord était capable de le glacer de crainte : c'était un silence affreux, l'image de la mort s'y présentait partout, et ce n'était que des corps étendus d'hommes et d'animaux, qui paraissaient morts. Il reconnut pourtant bien au nez bourgeonné et à la face vermeille des Suisses qu'ils n'étaient qu'endormis, et leurs tasses, où il y avait encore quelques gouttes de vin, montraient assez qu'ils s'étaient endormis en buvant. Il passe une grande cour pavée de marbre, il monte l'escalier, il entre dans la salle des Gardes qui étaient rangés en haie, la carabine sur l'épaule, et ronflants de leur mieux. Il traverse plusieurs chambres pleines de Gentilshommes et de Dames, dormant tous, les uns debout, les autres assis ; il entre dans une chambre toute dorée, et il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous côtés, le plus beau spectacle qu'il eût jamais vu : une Princesse qui paraissait avoir quinze ou seize ans, et dont l'éclat resplendissant avait quelque chose de lumineux et de divin. Il s'approcha en tremblant et en admirant, et se mit à genoux auprès d'elle. Alors comme la fin de l'enchantement était venue, la Princesse s'éveilla ; et le regardant avec des yeux plus tendres qu'une première vue ne semblait le permettre : "Est-ce vous, mon Prince ? lui dit-elle, vous vous êtes bien fait attendre."
Le Prince charmé de ces paroles, et plus encore de la manière dont elles étaient dites, ne savait comment lui témoigner sa joie et sa reconnaissance ; il l'assura qu'il l'aimait plus que lui-même. Ses discours furent mal rangés, ils en plurent davantage ; peu d'éloquence, beaucoup d'amour. Il était plus embarrassé qu'elle, et l'on ne doit pas s'en étonner ; elle avait eu le temps de songer à ce qu'elle aurait à lui dire, car il y a apparence (l'histoire n'en dit pourtant rien) que la bonne Fée, pendant un si long sommeil, lui avait procuré le plaisir des songes agréables. Enfin il y avait quatre heures qu'ils se parlaient, et ils ne s'étaient pas encore dit la moitié des choses qu'ils avaient à se dire.

1 Paroles adressées au Prince par un paysan

Document 2

Texte B : Catulle Mendès, "La Belle au bois rêvant", Les Oiseaux bleus

1888

- Un autre délice, le plus grand de tous vous attend.
- Eh ! lequel ?
- Vous serez aimée !
- Par qui ?
- Par moi ! Si vous ne me jugez pas indigne de prétendre à votre tendresse…
- Vous êtes un prince de bonne mine, et votre habit vous va fort bien.
- …Si vous daignez ne pas repousser mes vœux, je vous donnerai tout mon cœur, comme un autre royaume dont vous serez la souveraine, et je ne cesserai jamais d'être l'esclave reconnaissant de vos cruels caprices.
- Ah ! quel bonheur vous me promettez !
- Levez-vous donc, chère âme, et suivez-moi.
- Vous suivre ? déjà ? Attendez un peu. Il y a sans doute plus d'une chose tentante parmi tout ce que vous m'offrez, mais savez-vous si, pour l'obtenir, il ne me faudrait pas quitter mieux ?
- Que voulez-vous dire, princesse ?
- Je dors depuis un siècle, c'est vrai, mais, depuis un siècle, je rêve. Je suis reine aussi, dans mes songes, et de quel divin royaume ! Mon palais a des murs de lumière ; j'ai pour courtisans des anges qui me célèbrent en des musiques d'une douceur infinie, je marche sur des jonchées d'étoiles. Si vous saviez de quelles belles robes je m'habille, et les fruits sans pareils que l'on met sur ma table, et les vins de miel où je trempe mes lèvres ! Pour ce qui est de l'amour, croyez bien qu'il ne me fait pas défaut ; car je suis adorée par un époux plus beau que tous les princes du monde et fidèle depuis cent ans. Tout bien considéré, monseigneur, je crois que je ne gagnerais rien à sortir de mon enchantement ; je vous prie de me laisser dormir.

Là-dessus, elle se tourna vers la ruelle, ramenant ses cheveux sur ses yeux, et reprit son long somme, tandis que Pouffe, la petite chienne, cessait de japper, contente, le museau sur les pattes. Le prince s'éloigna fort penaud. Et, depuis ce temps, grâce à la protection des bonnes fées, personne n'est venu troubler dans son sommeil la "Belle au bois rêvant".

Que fait Paul Valéry en réécrivant "La Belle au bois dormant" ?

Document 1

Texte A : Charles Perrault, "La Belle au bois dormant", Contes

1696

"Mon prince, il y a plus de cinquante ans que j'ai ouï dire à mon père qu'il y avait dans ce Château une Princesse, la plus belle du monde ; qu'elle devait y dormir cent ans, et qu'elle serait réveillée par le fils d'un Roi, à qui elle était réservée."1 Le jeune Prince à ce discours se sentit tout de feu ; il crut sans hésiter qu'il mettrait fin à une si belle aventure ; et poussé par l'amour et par la gloire, il résolut de voir sur-le-champ ce qu'il en était. À peine s'avança-t-il vers le bois, que tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s'écartèrent d'eux-mêmes pour le laisser passer : il marcha vers le Château qu'il voyait au bout d'une grande avenue où il entra, et ce qui le surprit un peu, il vit que personne de ses gens ne l'avait pu suivre, parce que les arbres s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé. Il ne laissa pas de continuer son chemin : un Prince jeune et amoureux est toujours vaillant. Il entra dans une grande avant-cour où tout ce qu'il vit d'abord était capable de le glacer de crainte : c'était un silence affreux, l'image de la mort s'y présentait partout, et ce n'était que des corps étendus d'hommes et d'animaux, qui paraissaient morts. Il reconnut pourtant bien au nez bourgeonné et à la face vermeille des Suisses qu'ils n'étaient qu'endormis, et leurs tasses, où il y avait encore quelques gouttes de vin, montraient assez qu'ils s'étaient endormis en buvant. Il passe une grande cour pavée de marbre, il monte l'escalier, il entre dans la salle des Gardes qui étaient rangés en haie, la carabine sur l'épaule, et ronflants de leur mieux. Il traverse plusieurs chambres pleines de Gentilshommes et de Dames, dormant tous, les uns debout, les autres assis ; il entre dans une chambre toute dorée, et il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous côtés, le plus beau spectacle qu'il eût jamais vu : une Princesse qui paraissait avoir quinze ou seize ans, et dont l'éclat resplendissant avait quelque chose de lumineux et de divin. Il s'approcha en tremblant et en admirant, et se mit à genoux auprès d'elle. Alors comme la fin de l'enchantement était venue, la Princesse s'éveilla ; et le regardant avec des yeux plus tendres qu'une première vue ne semblait le permettre : "Est-ce vous, mon Prince ? lui dit-elle, vous vous êtes bien fait attendre."
Le Prince charmé de ces paroles, et plus encore de la manière dont elles étaient dites, ne savait comment lui témoigner sa joie et sa reconnaissance ; il l'assura qu'il l'aimait plus que lui-même. Ses discours furent mal rangés, ils en plurent davantage ; peu d'éloquence, beaucoup d'amour. Il était plus embarrassé qu'elle, et l'on ne doit pas s'en étonner ; elle avait eu le temps de songer à ce qu'elle aurait à lui dire, car il y a apparence (l'histoire n'en dit pourtant rien) que la bonne Fée, pendant un si long sommeil, lui avait procuré le plaisir des songes agréables. Enfin il y avait quatre heures qu'ils se parlaient, et ils ne s'étaient pas encore dit la moitié des choses qu'ils avaient à se dire.

1 Paroles adressées au Prince par un paysan

Document 2

Texte C : Paul Valéry, "La Belle au bois dormant", La Conque

1891

La Belle au bois dormant

La Princesse, dans un palais de roses pures
Sous les murmures et les feuilles, toujours dort.
Elle dit en rêvant des paroles obscures
Et les oiseaux perdus mordent ses bagues d'or.

Elle n'écoute ni les gouttes dans leurs chutes
Tinter, au fond des fleurs lointaines, lentement
Ni s'enfuir la douceur pastorale1 des flûtes
Dont la rumeur antique emplit le bois dormant.

…Ô belle ! suis en paix ta nonchalante idylle
Elle est si tendre l'ombre à ton sommeil tranquille
Qui baigne de parfums tes yeux ensevelis :

Et, songe, bienheureuse, en tes paupières closes
Princesse pâle dont les rêves sont jolis
À l'éternel dormir sous les gestes des Roses !

1 Douceur pastorale : qui évoque la campagne et les plaisirs champêtres des bergers.

Pourquoi Paul Valéry réécrit-il son poème ?

Document 1

Texte C : Paul Valéry, "La Belle au bois dormant", La Conque

1891

La Belle au bois dormant

La Princesse, dans un palais de roses pures
Sous les murmures et les feuilles, toujours dort.
Elle dit en rêvant des paroles obscures
Et les oiseaux perdus mordent ses bagues d'or.

Elle n'écoute ni les gouttes dans leurs chutes
Tinter, au fond des fleurs lointaines, lentement
Ni s'enfuir la douceur pastorale1 des flûtes
Dont la rumeur antique emplit le bois dormant.

…Ô belle ! suis en paix ta nonchalante idylle
Elle est si tendre l'ombre à ton sommeil tranquille
Qui baigne de parfums tes yeux ensevelis :

Et, songe, bienheureuse, en tes paupières closes
Princesse pâle dont les rêves sont jolis
À l'éternel dormir sous les gestes des Roses !

1 Douceur pastorale : qui évoque la campagne et les plaisirs champêtres des bergers.

Document 2

Texte D : Paul Valéry, "Au bois dormant", Album de vers anciens

1920

Au bois dormant

La princesse, dans un palais de rose pure,
Sous les murmures, sous la mobile ombre dort,
Et de corail ébauche une parole obscure
Quand les oiseaux perdus mordent ses bagues d'or.

Elle n'écoute ni les gouttes, dans leurs chutes,
Tinter d'un siècle vide au lointain le trésor,
Ni, sur la forêt vague, un vent fondu de flûtes
Déchirer la rumeur d'une phrase de cor.

Laisse, longue, l'écho rendormir la diane1,
O toujours plus égale à la molle liane
Qui se balance et bat tes yeux ensevelis.

Si proche de ta joue et si lente la rose
Ne va pas dissiper ce délice de plis
Secrètement sensible au rayon qui s'y pose.

1 La diane : sonnerie d'instrument à cuivre (cor, clairon, etc.

Qu'est-ce qu'un pastiche en littérature ?

Qu'est-ce qu'une parodie en littérature ?

À quel moment la réécriture devient-elle un topos en littérature ?

Tout texte porte la marque d'un héritage culturel. Tous les auteurs sont influencés par les lectures d'autres écrivains avant eux. L'œuvre littéraire se nourrit donc forcément d'elle-même. L'imitation, dans l'Antiquité, était un genre à part entière, valorisé et privilégié. Mais aujourd'hui, réécrire est souvent synonyme de "copier". L'exercice a été très dévalorisé. Souvent, on pense que réécrire, c'est porter atteinte à l'œuvre dont on s'inspire. On peut d'ailleurs se moquer d'une œuvre en écrivant une parodie.
Pourtant, il est normal que l'auteur emprunte, imite, adapte des sources. Il parle de ce qui le touche, il réécrit pour faire entendre sa voix, unique et singulière, pour réactualiser une œuvre. Les thèmes littéraires sont par ailleurs universels et reviennent donc sans cesse. Roméo et Juliette de Shakespeare est la version la plus connue et la plus célébrée de la tragique histoire des amants de Vérone. Pourtant, elle n'est pas la première.
Dans quelle mesure réécrire une œuvre signifie-t-il lui porter atteinte ? La réécriture n'est-elle pas plutôt un formidable moyen pour les écrivains de se dépasser en s'inspirant de leurs modèles ?
Pour répondre à cette question, nous verrons dans une première partie en quoi la réécriture peut moquer ou copier une œuvre, mais en lui rendant hommage. Dans une seconde partie, nous montrerons que la réécriture permet aux écrivains de se dépasser, et parfois de créer des œuvres uniques.

I

La réécriture, moquer ou copier l'œuvre originale

A

Le pastiche

  • La réécriture c'est imiter un auteur. C'est le cas de Louise Labé par exemple, qui écrit le poème "Je vis, je meurs" en s'inspirant de Pétrarque. Dès lors, on peut dire que c'est une atteinte à l'œuvre originale, puisqu'on la dénature.
  • Il existe un genre littéraire qui prend sa source dans la réécriture. C'est le pastiche. L'auteur imite le style d'un autre écrivain. Par exemple, les premiers poèmes de Rimbaud rappellent le style de Victor Hugo (Voir "Les Effarés").
  • Réécrire une œuvre, pour un auteur, c'est aussi un exercice de style. Il s'agit d'un véritable travail littéraire que doit perfectionner l'écrivain.
  • L'auteur lui-même peut écrire plusieurs versions de son œuvre avant de parvenir à quelque chose de satisfaisant. Ainsi, Tolstoï a réécrit huit fois son grand roman Guerre et Paix. Balzac a écrit dix-neuf versions des Illusions perdues à son éditeur.
  • Un auteur peut aussi écrire des versions différentes de la même œuvre. C'est le cas de Baudelaire qui a écrit le poème "La Chevelure" en vers et en prose.
  • Raymond Queneau met bien en avant l'idée d'exercice de style avec ses Exercices de style. Il écrit plusieurs fois la même histoire, en changeant de style, d'atmosphère, de registre. Il montre ainsi qu'une même histoire peut être très différente en fonction de la façon dont on la raconte. C'est la preuve que la réécriture enrichit l'œuvre, puisqu'elle permet de montrer une même histoire de toutes les façons possibles et imaginables.
B

La parodie

  • La réécriture permet de moquer une œuvre originale.
  • Elle peut permettre de la désacraliser. C'est le cas quand un auteur écrit une parodie. On tourne alors en dérision l'œuvre originale.
  • La parodie a toujours existé. Le terme "parodie" vient du grec qui signifie "contre-chant". On attribue à Homère la Batrachomyomachie, où l'auteur tourne en dérision les dieux et les héros.
  • Dans le texte du corpus, Catulle Mendès tourne en dérision "La Belle au bois dormant" avec "La Belle au bois rêvant". La princesse refuse la vie que le prince lui propose. Elle préfère le rêve à la réalité.
  • Pastiche et parodie peuvent donc sembler des atteintes à l'œuvre originale. C'est imiter ou moquer une œuvre.

Pourtant, la réécriture est souvent un hommage à l'auteur dont on s'inspire, même si on le moque. Parfois, la réécriture peut aussi surpasser l'œuvre originale et lui apporter un rayonnement qu'elle n'aurait pas eu autrement.

II

La réécriture pour surpasser l'œuvre originale ?

A

Enrichir le modèle

  • Dans l'Antiquité, Virgile écrit l'Énéide qui s'inscrit dans le prolongement de l'Iliade et de l'Odyssée. Il s'agit ici d'enrichir le modèle original.
  • La réécriture est une façon de prolonger une œuvre. C'est le cas du Phèdre de Racine nourri du Phèdre de Sénèque lui-même nourri du Phèdre d'Euripide.
  • Les poètes de la Pléiade encouragent l'imitation, assurent qu'il faut se nourrir des modèles de l'Antiquité pour mieux créer une poésie française.
B

Une actualisation de l'œuvre originale

  • La réécriture est une transposition.
  • On peut transposer d'un genre à l'autre. Souvent, des romans sont adaptés au cinéma par exemple (Les Misérables).
  • On peut transposer d'un registre à l'autre : l'Énéide, poème épique devient une pièce burlesque avec Le Virgile travesti de Scarron.
  • On peut transposer d'un contexte à un autre. C'est ce que fait Jean Anouilh en reprenant le mythe d'Antigone et en faisant de la jeune femme une résistante de la Seconde Guerre mondiale. À chaque époque correspond des préoccupations différentes.
  • La réécriture est une réactualisation. Une action connue prend pour cadre un environnement social différent. L'auteur cherche à actualiser le message. Il transforme une vieille histoire en fait actuel. Le lecteur contemporain peut ainsi prendre part à l'œuvre et découvrir l'originale.
  • La Fontaine, dans la préface des Fables, assure que la réécriture est un cycle naturel. Il pousse les auteurs à réécrire ses propres fables. Il est certain que les hommes connaîtront toujours les mêmes vices et qu'il faudra toujours lutter contre, donc réactualiser ses propos.
C

La création de chefs-d'œuvre

  • Il est fort difficile de définir ce qu'est une œuvre d'art. C'est un sujet épineux, et les critiques continuent de se quereller sur le sujet. Pourtant il est indéniable que Les Fables de La Fontaine sont des œuvres littéraires monumentales, que Roméo et Juliette de Shakespeare est un chef-d'œuvre, que Phèdre de Racine est un joyau du théâtre classique. Toutes ces œuvres, pourtant, sont des réécritures. Mais les œuvres originales ont été oubliées tant les réécritures les ont dépassées.
  • L'imitation permet aussi à l'auteur de trouver son style. Avant d'écrire l'œuvre qui va le faire connaître mondialement, Proust s'est ainsi entraîner à pasticher Flaubert et Balzac. Il a fini par trouver son style, unique et fort célèbre, dans À la recherche du temps perdu.

On peut considérer qu'une réécriture porte atteinte à l'œuvre dont elle s'inspire quand elle la moque ou quand elle en est un pastiche. Pourtant, les auteurs, même quand ils rient d'un texte ou l'imitent, le font pour rendre hommage à l'œuvre et l'écrivain. Par ailleurs, une réécriture est toujours une actualisation de l'œuvre et permet de la faire connaître.
De plus, la réécriture permet d'enrichir l'œuvre, de la continuer, de la perpétuer. C'est donner une seconde vie à un texte. Surtout, la réécriture permet la création de chefs-d'œuvre. Certains textes littéraires sont devenus célèbres alors qu'ils étaient des réécritures.

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Voir aussi
  • Cours : Les réécritures du XVIIe siècle à nos jours
  • Quiz : Les réécritures du XVIIe siècle à nos jours
  • Définitions : Les réécritures du XVIIe siècle à nos jours
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