On donne le texte suivant extrait de la pièce L'Île des esclaves de Marivaux :
IPHICRATE :
Cléanthis m'a dit que tu voulais t'entretenir avec moi ; que me veux-tu ? As-tu encore quelques nouvelles insultes à me faire ?
ARLEQUIN :
Autre personnage qui va me demander encore ma compassion. Je n'ai rien à te dire, mon ami, sinon que je voulais te faire commandement d'aimer la nouvelle Euphrosine ; voilà tout. À qui diantre en as-tu ?
IPHICRATE :
Peux-tu me le demander, Arlequin ?
ARLEQUIN :
Eh ! Pardi oui, je le peux, puisque je le fais.
IPHICRATE :
On m'avait promis que mon esclavage finirait bientôt, mais on me trompe, et c'en est fait, je succombe ; je me meurs, Arlequin, et tu perdras bientôt ce malheureux maître qui ne te croyait pas capable des indignités qu'il a souffertes de toi.
ARLEQUIN :
Ah ! Il ne nous manquait plus que cela et nos amours auront bonne mine. Écoute, je te défends de mourir par malice; par maladie, passe, je te le permets.
IPHICRATE :
Les dieux te puniront, Arlequin.
Que représentent les deux personnages d'un point de vue social et quels rôles jouent-ils dans le déroulement de la scène ?
- Iphicrate est ici dans la posture de l'esclave mais ses récriminations et ses jérémiades trahissent son statut de maître.
- Arlequin joue le rôle du maître dans la scène mais sa légèreté et sa joie démentent ce rôle trop sérieux pour lui.
Iphicrate est l'esclave et Arlequin le maître.
Quel personnage domine et au moyen de quels arguments ?
- Iphicrate fait des reproches nourris à Arlequin.
- Cependant, c'est Arlequin qui domine : son attitude ridiculise les reproches infondés de son maître qu'il prend avec humour.
- Ses ordres sont démesurés puisqu'il ordonne à Iphicrate d'aimer et de ne pas mourir, ce que nul maître n'a le pouvoir ou la légitimité de contrôler. Cependant, Iphicrate est forcé d'obéir.
Arlequin domine la confrontation par sa dérision et son ironie.
Quel est l'enjeu de la scène ?
- À travers les ordres démesurés d'Arlequin, le dramaturge souligne l'injustice et le déséquilibre qui se crée dans la relation maître et serviteur, et pire encore, maître et esclave : on ne peut contrôler l'amour ou la vie chez un autre individu, et les ordres d'Arlequin sont contre-balancés par l'emploi de l'ironie.
- L'attitude geignante d'Iphicrate souligne son incapacité à s'adapter à cette nouvelle situation que personne ne devrait avoir à vivre.
L'enjeu de la scène est de dénoncer le déséquilibre de la relation entre maître et esclave.