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Texte A : Guy de Maupassant (1850 - 1893), Une vie, chapitre XIV
1883
Rosalie répondit : "Eh bien, elle est morte, c'te nuit. Ils sont mariés, v'là la petite."
Et elle tendit l'enfant qu'on ne voyait point dans ses linges.
Jeanne la reçut machinalement et elles sortirent de la gare, puis montèrent dans la voiture.
Rosalie reprit : "M. Paul viendra dès l'enterrement fini. Demain à la même heure, faut croire."
Jeanne murmura "Paul..." et n'ajouta rien.
Le soleil baissait vers l'horizon, inondant de clarté les plaines verdoyantes, tachées de place en place par l'or des colzas en fleur, et par le sang des coquelicots. Une quiétude infinie planait sur la terre tranquille où germaient les sèves. La carriole allait grand train, le paysan claquant de la langue pour exciter son cheval.
Et Jeanne regardait droit devant elle en l'air, dans le ciel que coupait, comme des fusées, le vol cintré des hirondelles. Et soudain une tiédeur douce, une chaleur de vie traversant ses robes, gagna ses jambes, pénétra sa chair ; c'était la chaleur du petit être qui dormait sur ses genoux.
Alors une émotion infinie l'envahit. Elle découvrit brusquement la figure de l'enfant qu'elle n'avait pas encore vue : la fille de son fils. Et comme la frêle créature, frappée par la lumière vive, ouvrait ses yeux bleus en remuant la bouche, Jeanne se mit à l'embrasser furieusement, la soulevant dans ses bras, la criblant de baisers.
Mais Rosalie, contente et bourrue, l'arrêta : "Voyons, voyons, madame Jeanne, finissez ; vous allez la faire crier."
Puis elle ajouta, répondant sans doute à sa propre pensée : "La vie, voyez-vous, ça n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit."
Quel temps grammatical permet de dire que le texte suivant est une description au passé ?
Quel champ lexical dominant dans le texte suivant permet de parler de renouveau de la vie ?
Quel registre utilisé dans le texte suivant permet de dire l'exaltation ?
À quel courant littéraire le texte suivant appartient-il ?
Quel plan correspond au commentaire du texte suivant ?
Dans le texte suivant, quel type de discours Maupassant utilise-t-il pour rapporter les paroles de Rosalie ?
Quel sentiment envahit Jeanne à la fin de l'extrait ci-dessous ?
Dans le texte suivant, quels sont les deux thèmes qui s'opposent ?
L'extrait étudié est la fin du roman Une vie de Maupassant. L'auteur réaliste choisit de clore l'histoire de Jeanne, jeune femme désillusionnée par la réalité de la vie et de l'amour, sur une note d'espoir. Pour cela, il fait la description d'une scène naturelle où la vie est plus forte que la mort. Opposant les champs lexicaux de la mort et de la vie, il propose une exaltation de l'amour et de l'action. Le texte devient un appel lyrique à l'espoir et au bonheur, où le thème de l'élévation est central. Maupassant dépasse donc l'esthétique réaliste pour livrer un texte lyrique et puissant.
Quels outils Maupassant utilise-t-il dans cette fin de roman pour exalter la vie dans un appel lyrique au bonheur ?
Dans une première partie, il sera étudié la façon dont Maupassant met en scène un paysage naturel réaliste. Dans une seconde partie l'exaltation de la vie sera analysée. Enfin, dans une dernière partie, il sera discuté de la façon dont l'auteur met en scène avec lyrisme le thème de l'élévation spirituelle, associée au bonheur.
Une scène réaliste de nature
Le réalisme de Maupassant
Dans cet extrait de roman, Maupassant marque son appartenance au courant réaliste :
- Il utilise le discours rapporté pour donner plus de réalisme à la scène. On relève ainsi la présence de guillemets.
- Il utilise des mots de vocabulaire du langage familier, ce qui permet de signifier à quelle classe sociale et à quel milieu appartient Rosalie : "v'là", "c'te".
- Il multiplie les termes naturels pour planter le paysage et "donner à voir" la nature : "plaines", "colzas", "coquelicots", "cheval", "hirondelles".
Une nature personnifiée
Le texte est nourri par le champ lexical de la nature :
- Le champ lexical des plantes : "colzas en fleur", "coquelicots".
- Le champ lexical du paysage : "plaines verdoyantes".
- Le champ lexical des animaux : "cheval", "hirondelles".
- La nature est comme une personne, elle a une attitude humaine : "terre tranquille".
Maupassant utilise son esthétique réaliste et la nature pour exalter la vie.
L'exaltation de la vie
La confrontation entre la vie et la mort
Le thème de la mort est présent dans tout le texte, il s'oppose à la vie.
- On trouve le champ lexical de la mort : "enterrement", "sang".
- Toutefois, la vie reprend le dessus. On relève ainsi un verbe synonyme de croissance : "germaient". L'utilisation de l'imparfait souligne que l'action est longue et constante.
- Maupassant insiste sur cette idée de continuité avec l'expression "la fille de son fils". La vie ne s'arrête pas, les générations se succèdent.
- On relève également le terme "sève", rappelant le liquide nourricier qui circule dans les plantes.
- La chaleur, associée à la vie, se trouve dans tout le texte : "tiédeur douce", "chaleur de vie", "chaleur".
- La vie est symbolisée surtout par le nourrisson : "petit être", "la figure de l'enfant", "frêle créature". Plusieurs références au bébé sont ainsi répétées.
La vie synonyme d'amour et d'action
Dans cet extrait, Maupassant associe la vie à l'amour et l'action. Jeanne prend le chemin d'une nouvelle vie, d'une seconde chance pour le bonheur :
- On relève le champ lexical de la tendresse : "embrassait", "baisers".
- Des hyperboles soulignent l'ampleur de cette tendresse. Ainsi, l'émotion de Jeanne est "infinie".
- L'auteur associe l'adverbe "furieusement" au verbe "embrasser", et le participe présent "criblant" à "baisers". Il y a quelque chose qui relève de la violence dans cette affection.
- La violence est associée à la vie, elle est ici positive et s'oppose à quelque chose qui ne bouge pas. Ainsi, l'attitude de Jeanne change. Au début, Maupassant utilise l'adverbe "machinalement" pour décrire son comportement. Puis, il écrit "brusquement". C'est le moment où elle devient vive, active, heureuse.
- On retrouve cette idée de vitesse, d'action, avec le mouvement de la carriole : "la carriole allait bon train".
La vie est associée à l'action et l'amour, c'est une entité positive. Maupassant l'exalte en soulignant qu'elle permet d'accéder à l'élévation.
Un appel lyrique au bonheur
L'importance de la lumière
Maupassant fait plusieurs fois référence à la lumière dans cette description de la nature :
- Le champ lexical de la lumière est récurrent : "le soleil", "clarté", "lumière vive".
- Maupassant utilise une hyperbole, la lumière est associée au participe présent "inondant". La lumière est donc envahissante, elle est partout.
- L'auteur associe également la lumière à l'"or".
- La lumière est traditionnellement associée au Bien, à Dieu, à la spiritualité. Elle permet d'accéder à la sérénité, et donc au bonheur.
Le thème de l'élévation : l'accès au bonheur
Maupassant développe l'idée d'élévation dans son texte, qui est liée au bonheur. Symbolique, l'extrait rappelle que la vie continue, Jeanne retrouve l'espoir :
- Maupassant fait preuve de lyrisme, multipliant les hyperboles, personnifiant la nature, décrivant une scène de nature où la vie semble toujours reprendre et dominer la mort. Il insiste particulièrement sur les sentiments : "émotion", "tendresse".
- On peut estimer que Maupassant fait allusion ici à Dieu, à la religion, à une forme de paix sacrée. On trouve cette idée avec l'utilisation de l'adjectif "infinie", la lumière envahissante. Il y a donc une idée de spiritualité.
- Le thème de l'élévation est présent à travers le champ lexical de l'espace : "regardait en l'air", "dans le ciel", "vol".
- On peut lier le thème de l'élévation au thème du réveil. Jeanne semble d'abord dans une torpeur dont elle est tirée par le corps chaud de l'enfant.
- Maupassant donne ici une leçon de vie, rappelant que si la vie peut être dure, elle est également une source de joie. C'est Rosalie, femme simple et raisonnée, qui clôt ainsi le roman : "La vie, voyez-vous, ça n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit."
- L'auteur exalte donc l'idée du bonheur, auquel on peut accéder si l'on garde espoir. Le personnage de Jeanne semble retrouver goût à la vie.
Maupassant surprend son lecteur en terminant sur une note lyrique et optimiste. Plutôt proche du roman réaliste, il se permet ici des envolées passionnées et insiste sur la beauté de la nature qu'il personnifie. Il fait de cette fin de roman un appel au bonheur, et le lecteur découvre le profond changement de l'héroïne. Jeanne, d'abord morne, devient heureuse et tendre avec l'enfant. Maupassant rappelle que l'amour et l'action permettent de voir le monde de façon plus lumineuse. Il place les derniers mots du roman dans la bouche de Rosalie, en faisant le personnage de la sagesse. Elle souligne que la vie peut être dure, mais qu'elle peut également être belle. C'est cette dernière idée que Maupassant choisit de souligner.