Le registre réaliste caractérise un texte littéraire narratif ou descriptif qui donne au lecteur l'impression d'une peinture fidèle de la réalité. De quels moyens l'écrivain dispose-t-il pour créer cette impression ?
Parmi les caractéristiques suivantes d'un personnage, laquelle n'est pas conforme à l'esthétique réaliste ?
Parmi les propositions suivantes, laquelle définit une intrigue non conforme à l'esthétique réaliste ?
Quelles techniques de narration favorisent le réalisme d'un récit ?
Pourquoi un narrateur omniscient favorise-t-il le réalisme d'un récit ?
Pour quelles raisons un écrivain réaliste a-t-il intérêt à insérer des descriptions dans son œuvre ?
Le terme "réaliste" fait référence non seulement à un courant littéraire du XIXe siècle mais aussi au registre d'un texte narratif ou descriptif qui donne au lecteur l'impression d'une peinture fidèle de la réalité. On verra successivement que cette impression peut reposer sur le choix des personnages et de l'intrigue, mais aussi sur l'insertion de descriptions et de portraits, et enfin sur la narration et le style (emploi de la prose, du discours direct, des focalisations interne et zéro, etc.).
D'abord, le caractère réaliste d'un texte résulte en grande partie du choix des éléments de l'histoire. Les personnages sont d'autant plus conformes au monde réel qu'ils incarnent un type humain, que leur caractère est à la fois suffisamment défini et suffisamment complexe pour ressembler à celui d'un être en chair et en os. Ainsi, le personnage d'Octave Mouret dans Au Bonheur des Dames de Zola représente le type même du commerçant rompu aux techniques de vente modernes : il en a le statut social mais aussi les qualités humaines (dynamisme, créativité, habileté relationnelle, sens du profit). De même, l'intrigue d'un roman ou d'une nouvelle est d'autant plus réaliste qu'elle est vraisemblable : aux histoires idéalistes des romans d'aventures ou de chevalerie, qui font rêver le lecteur et ont presque toujours une fin heureuse, les récits réalistes opposent la peinture des aspects malheureux ou sordides de l'existence humaine, comme la mort par suicide dans Madame Bovary de Flaubert, l'alcoolisme dans L'Assommoir de Zola, ou la prostitution dans Nana, œuvre du même auteur. Il en résulte que le romancier qui prétend représenter la réalité, notamment Zola, se documente beaucoup avant d'écrire ses romans.
Ensuite, le réalisme d'un récit repose sur l'emploi de descriptions et de portraits. D'une part, l'écrivain peut décrire des lieux, notamment parce qu'il les considère comme représentatifs du milieu social ou du caractère des personnages qui y vivent, et qu'ils caractérisent l'ambiance générale de l'œuvre. Ainsi, dans Le Père Goriot, Balzac se livre à une description minutieuse de la pension où vivent la plupart des personnages de l'histoire, parce que cet endroit symbolise la misère humaine et l'avarice de sa propriétaire, Madame Vauquer. D'autre part, l'auteur peut faire le portrait de ses personnages pour permettre au lecteur de mieux connaître leur caractère, et aussi parce que souvent, leur apparence physique peut être représentative de leur statut social, ou de leur rapport avec les autres personnages, voire de leur personnalité. Ainsi, lorsque Victor Hugo présente Esmeralda au lecteur au début de Notre-Dame de Paris, il insiste sur son incroyable beauté et révèle ainsi la véritable fascination qu'elle exerce sur les êtres qui l'entourent.
Enfin, l'impression qu'un récit reflète la réalité est souvent liée à la narration, à la façon dont l'histoire est racontée. L'emploi de la prose plutôt que des vers favorise le naturel, surtout lorsque ce sont les paroles des personnages qui sont rapportées. De même, le recours au discours direct, par rapport au discours indirect, permet de donner plus de vie à leur propos, en particulier grâce aux interjections, aux exclamations et au respect du niveau de langue employé. Ainsi, lorsque Rodolphe, l'amant d'Emma, donne congé à Monsieur Lheureux, un créancier de la jeune femme, il lui crie ironiquement "Au plaisir !" ; or, une telle phrase n'aurait pas pu être rapportée au discours indirect, et le narrateur n'aurait pas pu exprimer d'une façon aussi frappante la virulence des propos. Pour finir, la focalisation zéro (comme dans le passage d'Illusions perdues de Balzac où Lucien et Mme de Bargeton vont au théâtre : le narrateur nous explique pour quelles raisons les sentiments mutuels des personnages sont en train d'évoluer de l'amour vers le mépris mutuel) ou interne (comme dans l'extrait de Madame Bovary où Charles tombe amoureux d'Emma et s'intéresse particulièrement à certains aspects agréables de son physique, la scène étant racontée à travers son regard) favorisent le réalisme. En effet, le premier permet au narrateur de fournir un maximum d'informations au lecteur en peu de temps, et le deuxième accorde une importance majeure à la psychologie du personnage qui voit la scène.
- Le réalisme est non seulement un courant du XIXe siècle mais aussi un registre littéraire qui caractérise une œuvre donnant l'impression de peindre la réalité telle qu'elle est.
- Ce registre repose en partie sur le choix des personnages et des intrigues.
- Il s'appuie aussi sur les descriptions des lieux de l'intrigue et sur les portraits des personnages.
- Enfin, il résulte de certaines caractéristiques formelles du texte (emploi de la prose, paroles rapportées au discours direct, et focalisation zéro ou interne).