Zola a intitulé la saga des Rougon-Macquart : "Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire". Qu'est-ce que ce titre révèle des intentions du romancier ?
Sur quoi Zola met-il l'accent avant tout dans son analyse de la société ?
Que cherche à montrer Zola à travers les destins de ses personnages ?
Comment sont conçus les personnages de Zola ?
En quoi la famille des Rougon-Macquart illustre-t-elle la théorie de l'hérédité ?
Quel est le vice de Macquart, le second mari d'Adélaïde Fouque ?
Dans la fresque des Rougon-Macquart, Zola se lance dans l'ambitieux projet de comprendre et explorer le fonctionnement de l'hérédité : pour cela, il centre chacun de ses romans autour du destin d'un des membres de la famille. Sous-titrée "Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire", cette grande saga met en avant une ambition scientifique multiple. Tout d'abord, Zola cherche à montrer l'influence du contexte social sur les individus. Dans un second temps, ses différents personnages lui permettent de s'interroger sur la part naturelle d'héritage familial et génétique dans les vices des individus.
Le romancier naturaliste s'inspire de la réalité de son temps et ancre ses intrigues dans un contexte socio-historique précisément identifié : celui de la société souvent parisienne, dans un XIXe siècle fortement marqué par l'essor de l'industrialisation et des progrès scientifiques. Il va s'agir pour lui d'analyser, de dévoiler et de mettre à jour l'influence du contexte social sur les individus et le déterminisme de la naissance dans la société très hiérarchisée du Second Empire. Les membres des Rougon-Macquart sont de ce fait représentatifs des différentes catégories de populations qu'on trouve à l'époque : le peuple dans Germinal par exemple, les commerçants dans Au Bonheur des Dames, la bourgeoisie dans Pot-Bouille, la haute société à travers le personnage de Renée dans La Curée. On voit donc la dimension sociale de l'entreprise naturaliste. Zola s'intéresse notamment aux ambitions d'ascension sociale des individus et à leurs difficultés et échecs dans une société où les écarts et les inégalités se creusent à la faveur des enrichissements liés à l'industrialisation. Les tentatives des personnages pour échapper au déterminisme de leur naissance, à la misère qui les accable échouent la plupart du temps : le personnage de Nana, dans son succès puis sa déchéance et mort finale, en est l'exemple le plus tragique.
Ces personnages issus des différentes couches de la société sont également conçus dans une visée scientifique qui justifie l'appellation "histoire naturelle" du sous-titre : ils sont en effet pensés avant tout comme des cobayes, le moyen pour l'écrivain d'expérimenter certaines théories scientifiques récentes dans l'espace du roman. Le romancier devient un analyste, Zola compare même son écriture à une autopsie de la psyché humaine. On voit donc l'influence des théories sur l'évolution de Darwin ou de Cesare Lombroso qui publie à l'époque des études sur les caractéristiques physiques et les formes de crâne qui permettraient de reconnaître les malfrats et les criminels. Ainsi, dans La Bête humaine, le personnage de Jacques Lantier, en proie à des pulsions de meurtre contre les femmes, est décrit comme ayant une mâchoire forte, ce qui déterminerait sa propension au crime. Mais c'est surtout la théorie de l'hérédité qui structure la saga des Rougon-Macquart : en choisissant de se concentrer sur un groupe d'individus appartenant à la même famille, Zola tente de montrer l'évolution de la "fêlure" et les multiples voies de sa transmission d'une génération à l'autre. Certains y échappent, d'autres développent de nouvelles formes, héritent plutôt du père ou de la mère, etc. Le personnage d'Adélaïde Fouque, dans La Fortune des Rougon, est le point de départ de l'arbre généalogique : ce personnage donne naissance à trois enfants, de deux pères différents, qui sont à l'origine des trois branches de la famille. Elle est sujette à des crises nerveuses et à des convulsions. Elle sombre dans la folie et est internée. Son second mari, Macquart, le contrebandier est lui-même porteur d'un vice : celui de l'alcoolisme que l'on retrouve tout au long de sa lignée et tout particulièrement chez le personnage de Gervaise dans L'Assommoir. À partir de ces personnages atteints d'une "fêlure", Zola cherche à étudier les voies et formes de transmission naturelle du vice.
- La saga des Rougon-Macquart met en scène des personnages d'une même famille qui sont presque tous caractérisés par un vice.
- La dimension sociale de cette fresque repose dans l'analyse de l'influence du milieu sur les individus qui cherchent à s'extraire de leur misère mais y parviennent rarement. Zola dénonce par là les inégalités sociales de son époque.
- La dimension naturelle vient de l'ambition scientifique du naturalisme qui conçoit les personnages comme des moyens d'expérimenter des théories scientifiques récentes.
- C'est notamment la théorie de l'hérédité qui est au centre des Rougon-Macquart : chaque roman permet à Zola d'analyser les mécanismes de transmission du vice d'une génération à l'autre.