Métropole, 2010, voies technologiques
Lantier, attendu par Gervaise, revient d'une nuit de festivités qui le conduit à porter un regard sur la ville tout à fait opposé à celui de sa compagne. Décrivez de son point de vue le spectacle de la ville et du mouvement de la foule au petit matin, en vous efforçant d'en faire ressortir le charme et la poésie.
Votre texte sera essentiellement descriptif et mettra en valeur les sensations et les sentiments du personnage ; vous conserverez le niveau de langue utilisé par Zola (texte B).
Texte B : Zola, L'Assommoir
1877
Gervaise, blanchisseuse dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris, attend au petit matin son amant Auguste Lantier qui, pour la première fois, n'est pas rentré de la nuit. Elle le guette depuis sa fenêtre.
L'hôtel se trouvait sur le boulevard de la Chapelle, à gauche de la barrière Poissonnière. C'était une masure de deux étages, peinte en rouge lie de vin jusqu'au second, avec des persiennes pourries par la pluie. Au-dessus d'une lanterne aux vitres étoilées, on parvenait à lire entre les deux fenêtres : Hôtel Boncœur, tenu par Marsoullier, en grandes lettres jaunes, dont la moisissure du plâtre avait emporté des morceaux. Gervaise, que la lanterne gênait, se haussait, son mouchoir sur les lèvres. Elle regardait à droite, du côté du boulevard de Rochechouart, où des groupes de bouchers, devant les abattoirs, stationnaient en tabliers sanglants ; et le vent frais apportait une puanteur par moments, une odeur fauve de bêtes massacrées. Elle regardait à gauche, enfilant un long ruban d'avenue, s'arrêtant presque en face d'elle, à la masse blanche de l'hôpital de Lariboisière, alors en construction. Lentement, d'un bout à l'autre de l'horizon, elle suivait le mur de l'octroi1, derrière lequel, la nuit, elle entendait parfois des cris d'assassinés ; et elle fouillait les angles écartés, les coins sombres, noirs d'humidité et d'ordure, avec la peur d'y découvrir le corps de Lantier, le ventre troué de coups de couteau. Quand elle levait les yeux, au-delà de cette muraille grise et interminable qui entourait la ville d'une bande de désert, elle apercevait une grande lueur, une poussière de soleil, pleine déjà du grondement matinal de Paris. Mais c'était toujours à la barrière Poissonnière qu'elle revenait, le cou tendu, s'étourdissant à voir couler, entre les deux pavillons trapus de l'octroi, le flot ininterrompu d'hommes, de bêtes, de charrettes, qui descendait des hauteurs de Montmartre et de la Chapelle. Il y avait là un piétinement de troupeau, une foule que de brusques arrêts étalaient en mares sur la chaussée, un défilé sans fin d'ouvriers allant au travail, leurs outils sur le dos, leur pain sous le bras ; et la cohue s'engouffrait dans Paris où elle se noyait, continuellement. Lorsque Gervaise, parmi tout ce monde, croyait reconnaître Lantier, elle se penchait davantage, au risque de tomber ; puis, elle appuyait plus fortement son mouchoir sur la bouche, comme pour renfoncer sa douleur.
1 Octroi : administration et bâtiment où se payait la taxe d'entrée de certaines denrées.
Quel point de vue doit être choisi ?
Quelle personne doit être utilisée pour rédiger l'écriture d'invention ?
Texte B : Zola, L'Assommoir
1877
Gervaise, blanchisseuse dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris, attend au petit matin son amant Auguste Lantier qui, pour la première fois, n'est pas rentré de la nuit. Elle le guette depuis sa fenêtre.
L'hôtel se trouvait sur le boulevard de la Chapelle, à gauche de la barrière Poissonnière. C'était une masure de deux étages, peinte en rouge lie de vin jusqu'au second, avec des persiennes pourries par la pluie. Au-dessus d'une lanterne aux vitres étoilées, on parvenait à lire entre les deux fenêtres : Hôtel Boncœur, tenu par Marsoullier, en grandes lettres jaunes, dont la moisissure du plâtre avait emporté des morceaux. Gervaise, que la lanterne gênait, se haussait, son mouchoir sur les lèvres. Elle regardait à droite, du côté du boulevard de Rochechouart, où des groupes de bouchers, devant les abattoirs, stationnaient en tabliers sanglants ; et le vent frais apportait une puanteur par moments, une odeur fauve de bêtes massacrées. Elle regardait à gauche, enfilant un long ruban d'avenue, s'arrêtant presque en face d'elle, à la masse blanche de l'hôpital de Lariboisière, alors en construction. Lentement, d'un bout à l'autre de l'horizon, elle suivait le mur de l'octroi1, derrière lequel, la nuit, elle entendait parfois des cris d'assassinés ; et elle fouillait les angles écartés, les coins sombres, noirs d'humidité et d'ordure, avec la peur d'y découvrir le corps de Lantier, le ventre troué de coups de couteau. Quand elle levait les yeux, au-delà de cette muraille grise et interminable qui entourait la ville d'une bande de désert, elle apercevait une grande lueur, une poussière de soleil, pleine déjà du grondement matinal de Paris. Mais c'était toujours à la barrière Poissonnière qu'elle revenait, le cou tendu, s'étourdissant à voir couler, entre les deux pavillons trapus de l'octroi, le flot ininterrompu d'hommes, de bêtes, de charrettes, qui descendait des hauteurs de Montmartre et de la Chapelle. Il y avait là un piétinement de troupeau, une foule que de brusques arrêts étalaient en mares sur la chaussée, un défilé sans fin d'ouvriers allant au travail, leurs outils sur le dos, leur pain sous le bras ; et la cohue s'engouffrait dans Paris où elle se noyait, continuellement. Lorsque Gervaise, parmi tout ce monde, croyait reconnaître Lantier, elle se penchait davantage, au risque de tomber ; puis, elle appuyait plus fortement son mouchoir sur la bouche, comme pour renfoncer sa douleur.
1 Octroi : administration et bâtiment où se payait la taxe d'entrée de certaines denrées.
Quel champ lexical doit apparaître dans l'écriture d'invention ?
Texte B : Zola, L'Assommoir
1877
Gervaise, blanchisseuse dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris, attend au petit matin son amant Auguste Lantier qui, pour la première fois, n'est pas rentré de la nuit. Elle le guette depuis sa fenêtre.
L'hôtel se trouvait sur le boulevard de la Chapelle, à gauche de la barrière Poissonnière. C'était une masure de deux étages, peinte en rouge lie de vin jusqu'au second, avec des persiennes pourries par la pluie. Au-dessus d'une lanterne aux vitres étoilées, on parvenait à lire entre les deux fenêtres : Hôtel Boncœur, tenu par Marsoullier, en grandes lettres jaunes, dont la moisissure du plâtre avait emporté des morceaux. Gervaise, que la lanterne gênait, se haussait, son mouchoir sur les lèvres. Elle regardait à droite, du côté du boulevard de Rochechouart, où des groupes de bouchers, devant les abattoirs, stationnaient en tabliers sanglants ; et le vent frais apportait une puanteur par moments, une odeur fauve de bêtes massacrées. Elle regardait à gauche, enfilant un long ruban d'avenue, s'arrêtant presque en face d'elle, à la masse blanche de l'hôpital de Lariboisière, alors en construction. Lentement, d'un bout à l'autre de l'horizon, elle suivait le mur de l'octroi1, derrière lequel, la nuit, elle entendait parfois des cris d'assassinés ; et elle fouillait les angles écartés, les coins sombres, noirs d'humidité et d'ordure, avec la peur d'y découvrir le corps de Lantier, le ventre troué de coups de couteau. Quand elle levait les yeux, au-delà de cette muraille grise et interminable qui entourait la ville d'une bande de désert, elle apercevait une grande lueur, une poussière de soleil, pleine déjà du grondement matinal de Paris. Mais c'était toujours à la barrière Poissonnière qu'elle revenait, le cou tendu, s'étourdissant à voir couler, entre les deux pavillons trapus de l'octroi, le flot ininterrompu d'hommes, de bêtes, de charrettes, qui descendait des hauteurs de Montmartre et de la Chapelle. Il y avait là un piétinement de troupeau, une foule que de brusques arrêts étalaient en mares sur la chaussée, un défilé sans fin d'ouvriers allant au travail, leurs outils sur le dos, leur pain sous le bras ; et la cohue s'engouffrait dans Paris où elle se noyait, continuellement. Lorsque Gervaise, parmi tout ce monde, croyait reconnaître Lantier, elle se penchait davantage, au risque de tomber ; puis, elle appuyait plus fortement son mouchoir sur la bouche, comme pour renfoncer sa douleur.
1 Octroi : administration et bâtiment où se payait la taxe d'entrée de certaines denrées.
Quel type de langage doit être utilisé dans l'écriture d'invention ?
Texte B : Zola, L'Assommoir
1877
Gervaise, blanchisseuse dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris, attend au petit matin son amant Auguste Lantier qui, pour la première fois, n'est pas rentré de la nuit. Elle le guette depuis sa fenêtre.
L'hôtel se trouvait sur le boulevard de la Chapelle, à gauche de la barrière Poissonnière. C'était une masure de deux étages, peinte en rouge lie de vin jusqu'au second, avec des persiennes pourries par la pluie. Au-dessus d'une lanterne aux vitres étoilées, on parvenait à lire entre les deux fenêtres : Hôtel Boncœur, tenu par Marsoullier, en grandes lettres jaunes, dont la moisissure du plâtre avait emporté des morceaux. Gervaise, que la lanterne gênait, se haussait, son mouchoir sur les lèvres. Elle regardait à droite, du côté du boulevard de Rochechouart, où des groupes de bouchers, devant les abattoirs, stationnaient en tabliers sanglants ; et le vent frais apportait une puanteur par moments, une odeur fauve de bêtes massacrées. Elle regardait à gauche, enfilant un long ruban d'avenue, s'arrêtant presque en face d'elle, à la masse blanche de l'hôpital de Lariboisière, alors en construction. Lentement, d'un bout à l'autre de l'horizon, elle suivait le mur de l'octroi1, derrière lequel, la nuit, elle entendait parfois des cris d'assassinés ; et elle fouillait les angles écartés, les coins sombres, noirs d'humidité et d'ordure, avec la peur d'y découvrir le corps de Lantier, le ventre troué de coups de couteau. Quand elle levait les yeux, au-delà de cette muraille grise et interminable qui entourait la ville d'une bande de désert, elle apercevait une grande lueur, une poussière de soleil, pleine déjà du grondement matinal de Paris. Mais c'était toujours à la barrière Poissonnière qu'elle revenait, le cou tendu, s'étourdissant à voir couler, entre les deux pavillons trapus de l'octroi, le flot ininterrompu d'hommes, de bêtes, de charrettes, qui descendait des hauteurs de Montmartre et de la Chapelle. Il y avait là un piétinement de troupeau, une foule que de brusques arrêts étalaient en mares sur la chaussée, un défilé sans fin d'ouvriers allant au travail, leurs outils sur le dos, leur pain sous le bras ; et la cohue s'engouffrait dans Paris où elle se noyait, continuellement. Lorsque Gervaise, parmi tout ce monde, croyait reconnaître Lantier, elle se penchait davantage, au risque de tomber ; puis, elle appuyait plus fortement son mouchoir sur la bouche, comme pour renfoncer sa douleur.
1 Octroi : administration et bâtiment où se payait la taxe d'entrée de certaines denrées.
Quel registre doit figurer dans l'écriture d'invention ?
Texte B : Zola, L'Assommoir
1877
Gervaise, blanchisseuse dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris, attend au petit matin son amant Auguste Lantier qui, pour la première fois, n'est pas rentré de la nuit. Elle le guette depuis sa fenêtre.
L'hôtel se trouvait sur le boulevard de la Chapelle, à gauche de la barrière Poissonnière. C'était une masure de deux étages, peinte en rouge lie de vin jusqu'au second, avec des persiennes pourries par la pluie. Au-dessus d'une lanterne aux vitres étoilées, on parvenait à lire entre les deux fenêtres : Hôtel Boncœur, tenu par Marsoullier, en grandes lettres jaunes, dont la moisissure du plâtre avait emporté des morceaux. Gervaise, que la lanterne gênait, se haussait, son mouchoir sur les lèvres. Elle regardait à droite, du côté du boulevard de Rochechouart, où des groupes de bouchers, devant les abattoirs, stationnaient en tabliers sanglants ; et le vent frais apportait une puanteur par moments, une odeur fauve de bêtes massacrées. Elle regardait à gauche, enfilant un long ruban d'avenue, s'arrêtant presque en face d'elle, à la masse blanche de l'hôpital de Lariboisière, alors en construction. Lentement, d'un bout à l'autre de l'horizon, elle suivait le mur de l'octroi1, derrière lequel, la nuit, elle entendait parfois des cris d'assassinés ; et elle fouillait les angles écartés, les coins sombres, noirs d'humidité et d'ordure, avec la peur d'y découvrir le corps de Lantier, le ventre troué de coups de couteau. Quand elle levait les yeux, au-delà de cette muraille grise et interminable qui entourait la ville d'une bande de désert, elle apercevait une grande lueur, une poussière de soleil, pleine déjà du grondement matinal de Paris. Mais c'était toujours à la barrière Poissonnière qu'elle revenait, le cou tendu, s'étourdissant à voir couler, entre les deux pavillons trapus de l'octroi, le flot ininterrompu d'hommes, de bêtes, de charrettes, qui descendait des hauteurs de Montmartre et de la Chapelle. Il y avait là un piétinement de troupeau, une foule que de brusques arrêts étalaient en mares sur la chaussée, un défilé sans fin d'ouvriers allant au travail, leurs outils sur le dos, leur pain sous le bras ; et la cohue s'engouffrait dans Paris où elle se noyait, continuellement. Lorsque Gervaise, parmi tout ce monde, croyait reconnaître Lantier, elle se penchait davantage, au risque de tomber ; puis, elle appuyait plus fortement son mouchoir sur la bouche, comme pour renfoncer sa douleur.
1 Octroi : administration et bâtiment où se payait la taxe d'entrée de certaines denrées.
Qu'est-ce qui caractérise l'écriture naturaliste ?
Texte B : Zola, L'Assommoir
1877
Gervaise, blanchisseuse dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris, attend au petit matin son amant Auguste Lantier qui, pour la première fois, n'est pas rentré de la nuit. Elle le guette depuis sa fenêtre.
L'hôtel se trouvait sur le boulevard de la Chapelle, à gauche de la barrière Poissonnière. C'était une masure de deux étages, peinte en rouge lie de vin jusqu'au second, avec des persiennes pourries par la pluie. Au-dessus d'une lanterne aux vitres étoilées, on parvenait à lire entre les deux fenêtres : Hôtel Boncœur, tenu par Marsoullier, en grandes lettres jaunes, dont la moisissure du plâtre avait emporté des morceaux. Gervaise, que la lanterne gênait, se haussait, son mouchoir sur les lèvres. Elle regardait à droite, du côté du boulevard de Rochechouart, où des groupes de bouchers, devant les abattoirs, stationnaient en tabliers sanglants ; et le vent frais apportait une puanteur par moments, une odeur fauve de bêtes massacrées. Elle regardait à gauche, enfilant un long ruban d'avenue, s'arrêtant presque en face d'elle, à la masse blanche de l'hôpital de Lariboisière, alors en construction. Lentement, d'un bout à l'autre de l'horizon, elle suivait le mur de l'octroi1, derrière lequel, la nuit, elle entendait parfois des cris d'assassinés ; et elle fouillait les angles écartés, les coins sombres, noirs d'humidité et d'ordure, avec la peur d'y découvrir le corps de Lantier, le ventre troué de coups de couteau. Quand elle levait les yeux, au-delà de cette muraille grise et interminable qui entourait la ville d'une bande de désert, elle apercevait une grande lueur, une poussière de soleil, pleine déjà du grondement matinal de Paris. Mais c'était toujours à la barrière Poissonnière qu'elle revenait, le cou tendu, s'étourdissant à voir couler, entre les deux pavillons trapus de l'octroi, le flot ininterrompu d'hommes, de bêtes, de charrettes, qui descendait des hauteurs de Montmartre et de la Chapelle. Il y avait là un piétinement de troupeau, une foule que de brusques arrêts étalaient en mares sur la chaussée, un défilé sans fin d'ouvriers allant au travail, leurs outils sur le dos, leur pain sous le bras ; et la cohue s'engouffrait dans Paris où elle se noyait, continuellement. Lorsque Gervaise, parmi tout ce monde, croyait reconnaître Lantier, elle se penchait davantage, au risque de tomber ; puis, elle appuyait plus fortement son mouchoir sur la bouche, comme pour renfoncer sa douleur.
1 Octroi : administration et bâtiment où se payait la taxe d'entrée de certaines denrées.
- Il s'agit d'une réécriture du texte.
- Il faut placer le lecteur dans la tête de Lantier, l'amant de Gervaise. Il faut expliciter ses impressions, ses sentiments, et donc utiliser des verbes de sensations et d'émotions : "admirer", "contempler", "ressentir", etc.
- Le texte doit être écrit à la troisième personne du singulier.
- Il faut opérer un changement de registre. Lantier est heureux, il sort d'une fête, il a sans doute bu. Pour lui, la ville est belle. Il voit la poésie de Paris. On attend un registre lyrique, un champ lexical de la beauté.
- Le texte doit se situer au petit matin.
- Le texte doit être descriptif. Il faut utiliser des verbes d'état : "être", "paraître", "sembler", "devenir", etc.
- Il faut décrire la ville, mais aussi la foule, les habitants de Paris.
- Le texte est au passé. Il faut donc utiliser majoritairement de l'imparfait puisqu'il s'agit d'une description.
- Il faut respecter le niveau de langue utilisé par Zola : langage courant.
- On attend de l'écriture qu'elle soit imagée.
Lantier sortait tout juste du café où il avait passé toute la nuit, à rire avec des hommes que l'alcool aidait à vivre. Il se sentait d'excellente humeur, et malgré sa nuit blanche il se découvrait une forme nouvelle, puisée dans les litres de mauvais vin qu'il avait avalé. D'un pas enjoué, il se dirigeait vers l'hôtel Boncœur qui se trouvait sur le boulevard de la Chapelle, à gauche de la barrière Poissonnière. Il devait y retrouver Gervaise, ce qui l'emplissait d'un doux sentiment de plaisir : il avait hâte de la tenir dans ses bras. Il se trouvait à quelques rues du lieu de rendez-vous, et il prit la rue à droite du café pour remonter vers Poissonnière. Le soleil se levait tout juste en cette heure matinale, ses rayons caressaient les toits des hauts bâtiments, les auréolant d'une couche d'or qui illuminait doucement la ville. Lantier leva sa tête vers le ciel pour admirer cette couverture de lumière, et il observa les couleurs flamboyantes qui naissaient dans l'obscurité. Des filets roses, rouges et orange semblaient crever la voûte céleste, et venaient se réfléchir sur les vitres des boutiques qui commençaient à s'animer. Lantier pouvait voir les commerçants s'activer derrière les devantures : le boulanger tirait un sac de farine vers la cuisine, le fleuriste arrangeait les fleurs dans leurs vases, le vendeur de légumes polissait ses tomates, le poissonnier sortait sa marchandise des caisses de glaces, le boucher étalait sa viande. Sur les pavés gris, encore humides de pluie, des sabots de chevaux et des souliers d'hommes se succédaient. Des volets s'ouvraient, dans un petit claquement joyeux, des portes se fermaient après avoir laissé sortir les travailleurs volontaires, et un murmure routinier et apaisant s'élevait au-dessus de la ville. Lantier avançait d'un pas décidé, mais lent, pour prendre le temps de goûter aux scènes matinales qui défilaient sous ses yeux. Tout lui paraissait charmant, surtout l'immense construction blanche de l'hôpital de Lariboisière, qui était encore en travaux. Elle lui paraissait veiller sur tous les habitants, leur assurant qu'ils seraient toujours en sécurité, et que si jamais un accident survenait, on serait là pour s'occuper d'eux et les soigner.
Sur son chemin, il croisait le flot ininterrompu d'hommes joyeux, de bêtes grasses et musclées, de charrettes sautillantes, qui descendait des hauteurs de Montmartre et de la Chapelle. Même sur les animaux qui tiraient les charrettes, Lantier croyait apercevoir un sourire satisfait. Et sur les trottoirs, il observait des enfants qui couraient, sautaient dans les flaques et riaient de se voir tout mouillés. Leurs mères aussi éclataient de rire derrière eux, et certains hommes se tournaient vers elles, les yeux brillants d'un bonheur que Lantier croyait assuré. Cette foule solidaire marchait à travers les rues, et les roues glissant sur les pavés, les sabots martelant le sol, les souliers tapant sur la terre solide, tous ces sons devenaient une musique entraînante, qui poussait Lantier vers Gervaise. Il remontait à contre-courant cette vague humaine, recueillant les politesses matinales comme de précieux présents, s'exclamant "bonjour" dès qu'un visage lui paraissait amical - et tous les visages lui semblaient agréables. Ses jambes le portaient vers la femme qu'il aimait, et il l'imaginait l'attendant dans la chambre, accoudée à la fenêtre, l'épiant de tout là-haut avec impatience. Il la voyait admirant le lever du soleil dont la lumière baignait maintenant la ville, écoutant la musique des hommes qui se lèvent, respirant l'entêtant parfum du jour naissant plein de promesses et d'espoir.
Alors, Lantier se met à courir, tout à coup pris par l'envie de voir tout de suite le doux visage de Gervaise accroché au-dessus de la ville. Il la voit, comme un ange protecteur à la beauté fulgurante, protégeant de son doux regard les nantis de Paris. Il s'imagine que les boutiques qu'il dépasse au pas de course sont de petits palais, que les odeurs qui montent des égouts ont le parfum délicat de la peau de Gervaise, et que tous ceux qu'il croise sont là pour l'acclamer, lui dire de rejoindre à plus grandes enjambées encore sa bien-aimée. Le soleil pleut maintenant sur lui et dessine le chemin qu'il doit suivre. Il s'élance dans les rues comme un fou, et la rumeur matinale s'attache à ses talons et l'accompagne en amie complice dans son périple amoureux.