Métropole, 2011, voie S
Rentrée chez elle, la femme aux bandeaux (texte B, lignes 33 - 34) raconte à sa famille la prise des Tuileries à laquelle elle a participé. Vous exprimerez ses émotions et ses sentiments. Vous veillerez à mêler description et narration.
Texte B : Gustave Flaubert, L'Éducation sentimentale, III. 1
1869
Frédéric, le héros de L'Éducation sentimentale, assiste avec son ami Hussonnet au saccage du Palais des Tuileries, au cours de la Révolution de 1848.
Tout à coup La Marseillaise retentit. Hussonnet et Frédéric se penchèrent sur la rampe. C'était le peuple. Il se précipita dans l'escalier, en secouant à flots vertigineux des têtes nues, des casques, des bonnets rouges, des baïonnettes et des épaules, si impétueusement, que des gens disparaissaient dans cette masse grouillante qui montait toujours, comme un fleuve refoulé par une marée d'équinoxe, avec un long mugissement, sous une impulsion irrésistible. En haut, elle se répandit, et le chant tomba.
On n'entendait plus que les piétinements de tous les souliers, avec le clapotement des voix. La foule inoffensive se contentait de regarder. Mais, de temps à autre, un coude trop à l'étroit enfonçait une vitre ; ou bien un vase, une statuette déroulait d'une console, par terre. Les boiseries pressées craquaient. Tous les visages étaient rouges ; la sueur en coulait à larges gouttes ; Hussonnet fit cette remarque :
- Les héros ne sentent pas bon !
- Ah ! vous êtes agaçant, reprit Frédéric.
Et poussés malgré eux, ils entrèrent dans un appartement où s'étendait, au plafond, un dais de velours rouge. Sur le trône, en dessous, était assis un prolétaire à barbe noire, la chemise entr'ouverte, l'air hilare et stupide comme un magot1. D'autres gravissaient l'estrade pour s'asseoir à sa place.
- Quel mythe ! dit Hussonnet. Voilà le peuple souverain !
Le fauteuil fut enlevé à bout de bras, et traversa toute la salle en se balançant.
- Saprelotte ! comme il chaloupe ! Le vaisseau de l'État est ballotté sur une mer orageuse ! Cancane-t-il2 ! Cancane-t-il !
On l'avait approché d'une fenêtre, et, au milieu des sifflets, on le lança.
- Pauvre vieux ! dit Hussonnet en le voyant tomber dans le jardin, où il fut repris vivement pour être promené ensuite jusqu'à la Bastille, et brûlé.
Alors, une joie frénétique éclata, comme si, à la place du trône, un avenir de bonheur illimité avait paru ; et le peuple, moins par vengeance que pour affirmer sa possession, brisa, lacéra les glaces et les rideaux, les lustres, les flambeaux, les tables, les chaises, les tabourets, tous les meubles, jusqu'à des albums de dessins, jusqu'à des corbeilles de tapisserie. Puisqu'on était victorieux, ne fallait-il pas s'amuser ! La canaille s'affubla ironiquement de dentelles et de cachemires. Des crépines3 d'or s'enroulèrent aux manches des blouses, des chapeaux à plumes d'autruche ornaient la tête des forgerons, des rubans de la Légion d'honneur firent des ceintures aux prostituées. Chacun satisfaisait son caprice ; les uns dansaient, d'autres buvaient. Dans la chambre de la reine, une femme lustrait ses bandeaux avec de la pommade ; derrière un paravent, deux amateurs jouaient aux cartes ; Hussonnet montra à Frédéric un individu qui fumait son brûle-gueule4 accoudé sur un balcon ; et le délire redoublait au tintamarre continu des porcelaines brisées et des morceaux de cristal qui sonnaient, en rebondissant, comme des lames d'harmonica.
1 Singe ; figurine chinoise grotesque en porcelaine ; au sens figuré, un homme très laid.
2 Danse le cancan, une danse excentrique.
3 Franges de tissu à fonction décorative.
4 Pipe à tuyau très court.
À quelle personne le texte doit-il être écrit ?
Texte B : Gustave Flaubert, L'Éducation sentimentale, III. 1
1869
Frédéric, le héros de L'Éducation sentimentale, assiste avec son ami Hussonnet au saccage du Palais des Tuileries, au cours de la Révolution de 1848.
Tout à coup La Marseillaise retentit. Hussonnet et Frédéric se penchèrent sur la rampe. C'était le peuple. Il se précipita dans l'escalier, en secouant à flots vertigineux des têtes nues, des casques, des bonnets rouges, des baïonnettes et des épaules, si impétueusement, que des gens disparaissaient dans cette masse grouillante qui montait toujours, comme un fleuve refoulé par une marée d'équinoxe, avec un long mugissement, sous une impulsion irrésistible. En haut, elle se répandit, et le chant tomba.
On n'entendait plus que les piétinements de tous les souliers, avec le clapotement des voix. La foule inoffensive se contentait de regarder. Mais, de temps à autre, un coude trop à l'étroit enfonçait une vitre ; ou bien un vase, une statuette déroulait d'une console, par terre. Les boiseries pressées craquaient. Tous les visages étaient rouges ; la sueur en coulait à larges gouttes ; Hussonnet fit cette remarque :
- Les héros ne sentent pas bon !
- Ah ! vous êtes agaçant, reprit Frédéric.
Et poussés malgré eux, ils entrèrent dans un appartement où s'étendait, au plafond, un dais de velours rouge. Sur le trône, en dessous, était assis un prolétaire à barbe noire, la chemise entr'ouverte, l'air hilare et stupide comme un magot1. D'autres gravissaient l'estrade pour s'asseoir à sa place.
- Quel mythe ! dit Hussonnet. Voilà le peuple souverain !
Le fauteuil fut enlevé à bout de bras, et traversa toute la salle en se balançant.
- Saprelotte ! comme il chaloupe ! Le vaisseau de l'État est ballotté sur une mer orageuse ! Cancane-t-il2 ! Cancane-t-il !
On l'avait approché d'une fenêtre, et, au milieu des sifflets, on le lança.
- Pauvre vieux ! dit Hussonnet en le voyant tomber dans le jardin, où il fut repris vivement pour être promené ensuite jusqu'à la Bastille, et brûlé.
Alors, une joie frénétique éclata, comme si, à la place du trône, un avenir de bonheur illimité avait paru ; et le peuple, moins par vengeance que pour affirmer sa possession, brisa, lacéra les glaces et les rideaux, les lustres, les flambeaux, les tables, les chaises, les tabourets, tous les meubles, jusqu'à des albums de dessins, jusqu'à des corbeilles de tapisserie. Puisqu'on était victorieux, ne fallait-il pas s'amuser ! La canaille s'affubla ironiquement de dentelles et de cachemires. Des crépines3 d'or s'enroulèrent aux manches des blouses, des chapeaux à plumes d'autruche ornaient la tête des forgerons, des rubans de la Légion d'honneur firent des ceintures aux prostituées. Chacun satisfaisait son caprice ; les uns dansaient, d'autres buvaient. Dans la chambre de la reine, une femme lustrait ses bandeaux avec de la pommade ; derrière un paravent, deux amateurs jouaient aux cartes ; Hussonnet montra à Frédéric un individu qui fumait son brûle-gueule4 accoudé sur un balcon ; et le délire redoublait au tintamarre continu des porcelaines brisées et des morceaux de cristal qui sonnaient, en rebondissant, comme des lames d'harmonica.
1 Singe ; figurine chinoise grotesque en porcelaine ; au sens figuré, un homme très laid.
2 Danse le cancan, une danse excentrique.
3 Franges de tissu à fonction décorative.
4 Pipe à tuyau très court.
Quel champ lexical doit être utilisé ?
Texte B : Gustave Flaubert, L'Éducation sentimentale, III. 1
1869
Frédéric, le héros de L'Éducation sentimentale, assiste avec son ami Hussonnet au saccage du Palais des Tuileries, au cours de la Révolution de 1848.
Tout à coup La Marseillaise retentit. Hussonnet et Frédéric se penchèrent sur la rampe. C'était le peuple. Il se précipita dans l'escalier, en secouant à flots vertigineux des têtes nues, des casques, des bonnets rouges, des baïonnettes et des épaules, si impétueusement, que des gens disparaissaient dans cette masse grouillante qui montait toujours, comme un fleuve refoulé par une marée d'équinoxe, avec un long mugissement, sous une impulsion irrésistible. En haut, elle se répandit, et le chant tomba.
On n'entendait plus que les piétinements de tous les souliers, avec le clapotement des voix. La foule inoffensive se contentait de regarder. Mais, de temps à autre, un coude trop à l'étroit enfonçait une vitre ; ou bien un vase, une statuette déroulait d'une console, par terre. Les boiseries pressées craquaient. Tous les visages étaient rouges ; la sueur en coulait à larges gouttes ; Hussonnet fit cette remarque :
- Les héros ne sentent pas bon !
- Ah ! vous êtes agaçant, reprit Frédéric.
Et poussés malgré eux, ils entrèrent dans un appartement où s'étendait, au plafond, un dais de velours rouge. Sur le trône, en dessous, était assis un prolétaire à barbe noire, la chemise entr'ouverte, l'air hilare et stupide comme un magot1. D'autres gravissaient l'estrade pour s'asseoir à sa place.
- Quel mythe ! dit Hussonnet. Voilà le peuple souverain !
Le fauteuil fut enlevé à bout de bras, et traversa toute la salle en se balançant.
- Saprelotte ! comme il chaloupe ! Le vaisseau de l'État est ballotté sur une mer orageuse ! Cancane-t-il2 ! Cancane-t-il !
On l'avait approché d'une fenêtre, et, au milieu des sifflets, on le lança.
- Pauvre vieux ! dit Hussonnet en le voyant tomber dans le jardin, où il fut repris vivement pour être promené ensuite jusqu'à la Bastille, et brûlé.
Alors, une joie frénétique éclata, comme si, à la place du trône, un avenir de bonheur illimité avait paru ; et le peuple, moins par vengeance que pour affirmer sa possession, brisa, lacéra les glaces et les rideaux, les lustres, les flambeaux, les tables, les chaises, les tabourets, tous les meubles, jusqu'à des albums de dessins, jusqu'à des corbeilles de tapisserie. Puisqu'on était victorieux, ne fallait-il pas s'amuser ! La canaille s'affubla ironiquement de dentelles et de cachemires. Des crépines3 d'or s'enroulèrent aux manches des blouses, des chapeaux à plumes d'autruche ornaient la tête des forgerons, des rubans de la Légion d'honneur firent des ceintures aux prostituées. Chacun satisfaisait son caprice ; les uns dansaient, d'autres buvaient. Dans la chambre de la reine, une femme lustrait ses bandeaux avec de la pommade ; derrière un paravent, deux amateurs jouaient aux cartes ; Hussonnet montra à Frédéric un individu qui fumait son brûle-gueule4 accoudé sur un balcon ; et le délire redoublait au tintamarre continu des porcelaines brisées et des morceaux de cristal qui sonnaient, en rebondissant, comme des lames d'harmonica.
1 Singe ; figurine chinoise grotesque en porcelaine ; au sens figuré, un homme très laid.
2 Danse le cancan, une danse excentrique.
3 Franges de tissu à fonction décorative.
4 Pipe à tuyau très court.
Quel type de langage ne peut pas être utilisé pour ce sujet d'invention ?
Texte B : Gustave Flaubert, L'Éducation sentimentale, III. 1
1869
Frédéric, le héros de L'Éducation sentimentale, assiste avec son ami Hussonnet au saccage du Palais des Tuileries, au cours de la Révolution de 1848.
Tout à coup La Marseillaise retentit. Hussonnet et Frédéric se penchèrent sur la rampe. C'était le peuple. Il se précipita dans l'escalier, en secouant à flots vertigineux des têtes nues, des casques, des bonnets rouges, des baïonnettes et des épaules, si impétueusement, que des gens disparaissaient dans cette masse grouillante qui montait toujours, comme un fleuve refoulé par une marée d'équinoxe, avec un long mugissement, sous une impulsion irrésistible. En haut, elle se répandit, et le chant tomba.
On n'entendait plus que les piétinements de tous les souliers, avec le clapotement des voix. La foule inoffensive se contentait de regarder. Mais, de temps à autre, un coude trop à l'étroit enfonçait une vitre ; ou bien un vase, une statuette déroulait d'une console, par terre. Les boiseries pressées craquaient. Tous les visages étaient rouges ; la sueur en coulait à larges gouttes ; Hussonnet fit cette remarque :
- Les héros ne sentent pas bon !
- Ah ! vous êtes agaçant, reprit Frédéric.
Et poussés malgré eux, ils entrèrent dans un appartement où s'étendait, au plafond, un dais de velours rouge. Sur le trône, en dessous, était assis un prolétaire à barbe noire, la chemise entr'ouverte, l'air hilare et stupide comme un magot1. D'autres gravissaient l'estrade pour s'asseoir à sa place.
- Quel mythe ! dit Hussonnet. Voilà le peuple souverain !
Le fauteuil fut enlevé à bout de bras, et traversa toute la salle en se balançant.
- Saprelotte ! comme il chaloupe ! Le vaisseau de l'État est ballotté sur une mer orageuse ! Cancane-t-il2 ! Cancane-t-il !
On l'avait approché d'une fenêtre, et, au milieu des sifflets, on le lança.
- Pauvre vieux ! dit Hussonnet en le voyant tomber dans le jardin, où il fut repris vivement pour être promené ensuite jusqu'à la Bastille, et brûlé.
Alors, une joie frénétique éclata, comme si, à la place du trône, un avenir de bonheur illimité avait paru ; et le peuple, moins par vengeance que pour affirmer sa possession, brisa, lacéra les glaces et les rideaux, les lustres, les flambeaux, les tables, les chaises, les tabourets, tous les meubles, jusqu'à des albums de dessins, jusqu'à des corbeilles de tapisserie. Puisqu'on était victorieux, ne fallait-il pas s'amuser ! La canaille s'affubla ironiquement de dentelles et de cachemires. Des crépines3 d'or s'enroulèrent aux manches des blouses, des chapeaux à plumes d'autruche ornaient la tête des forgerons, des rubans de la Légion d'honneur firent des ceintures aux prostituées. Chacun satisfaisait son caprice ; les uns dansaient, d'autres buvaient. Dans la chambre de la reine, une femme lustrait ses bandeaux avec de la pommade ; derrière un paravent, deux amateurs jouaient aux cartes ; Hussonnet montra à Frédéric un individu qui fumait son brûle-gueule4 accoudé sur un balcon ; et le délire redoublait au tintamarre continu des porcelaines brisées et des morceaux de cristal qui sonnaient, en rebondissant, comme des lames d'harmonica.
1 Singe ; figurine chinoise grotesque en porcelaine ; au sens figuré, un homme très laid.
2 Danse le cancan, une danse excentrique.
3 Franges de tissu à fonction décorative.
4 Pipe à tuyau très court.
Quel passage répond à la consigne ?
Texte B : Gustave Flaubert, L'Éducation sentimentale, III. 1
1869
Frédéric, le héros de L'Éducation sentimentale, assiste avec son ami Hussonnet au saccage du Palais des Tuileries, au cours de la Révolution de 1848.
Tout à coup La Marseillaise retentit. Hussonnet et Frédéric se penchèrent sur la rampe. C'était le peuple. Il se précipita dans l'escalier, en secouant à flots vertigineux des têtes nues, des casques, des bonnets rouges, des baïonnettes et des épaules, si impétueusement, que des gens disparaissaient dans cette masse grouillante qui montait toujours, comme un fleuve refoulé par une marée d'équinoxe, avec un long mugissement, sous une impulsion irrésistible. En haut, elle se répandit, et le chant tomba.
On n'entendait plus que les piétinements de tous les souliers, avec le clapotement des voix. La foule inoffensive se contentait de regarder. Mais, de temps à autre, un coude trop à l'étroit enfonçait une vitre ; ou bien un vase, une statuette déroulait d'une console, par terre. Les boiseries pressées craquaient. Tous les visages étaient rouges ; la sueur en coulait à larges gouttes ; Hussonnet fit cette remarque :
- Les héros ne sentent pas bon !
- Ah ! vous êtes agaçant, reprit Frédéric.
Et poussés malgré eux, ils entrèrent dans un appartement où s'étendait, au plafond, un dais de velours rouge. Sur le trône, en dessous, était assis un prolétaire à barbe noire, la chemise entr'ouverte, l'air hilare et stupide comme un magot1. D'autres gravissaient l'estrade pour s'asseoir à sa place.
- Quel mythe ! dit Hussonnet. Voilà le peuple souverain !
Le fauteuil fut enlevé à bout de bras, et traversa toute la salle en se balançant.
- Saprelotte ! comme il chaloupe ! Le vaisseau de l'État est ballotté sur une mer orageuse ! Cancane-t-il2 ! Cancane-t-il !
On l'avait approché d'une fenêtre, et, au milieu des sifflets, on le lança.
- Pauvre vieux ! dit Hussonnet en le voyant tomber dans le jardin, où il fut repris vivement pour être promené ensuite jusqu'à la Bastille, et brûlé.
Alors, une joie frénétique éclata, comme si, à la place du trône, un avenir de bonheur illimité avait paru ; et le peuple, moins par vengeance que pour affirmer sa possession, brisa, lacéra les glaces et les rideaux, les lustres, les flambeaux, les tables, les chaises, les tabourets, tous les meubles, jusqu'à des albums de dessins, jusqu'à des corbeilles de tapisserie. Puisqu'on était victorieux, ne fallait-il pas s'amuser ! La canaille s'affubla ironiquement de dentelles et de cachemires. Des crépines3 d'or s'enroulèrent aux manches des blouses, des chapeaux à plumes d'autruche ornaient la tête des forgerons, des rubans de la Légion d'honneur firent des ceintures aux prostituées. Chacun satisfaisait son caprice ; les uns dansaient, d'autres buvaient. Dans la chambre de la reine, une femme lustrait ses bandeaux avec de la pommade ; derrière un paravent, deux amateurs jouaient aux cartes ; Hussonnet montra à Frédéric un individu qui fumait son brûle-gueule4 accoudé sur un balcon ; et le délire redoublait au tintamarre continu des porcelaines brisées et des morceaux de cristal qui sonnaient, en rebondissant, comme des lames d'harmonica.
1 Singe ; figurine chinoise grotesque en porcelaine ; au sens figuré, un homme très laid.
2 Danse le cancan, une danse excentrique.
3 Franges de tissu à fonction décorative.
4 Pipe à tuyau très court.
Quelle est la définition d'un texte descriptif ?
Texte B : Gustave Flaubert, L'Éducation sentimentale, III. 1
1869
Frédéric, le héros de L'Éducation sentimentale, assiste avec son ami Hussonnet au saccage du Palais des Tuileries, au cours de la Révolution de 1848.
Tout à coup La Marseillaise retentit. Hussonnet et Frédéric se penchèrent sur la rampe. C'était le peuple. Il se précipita dans l'escalier, en secouant à flots vertigineux des têtes nues, des casques, des bonnets rouges, des baïonnettes et des épaules, si impétueusement, que des gens disparaissaient dans cette masse grouillante qui montait toujours, comme un fleuve refoulé par une marée d'équinoxe, avec un long mugissement, sous une impulsion irrésistible. En haut, elle se répandit, et le chant tomba.
On n'entendait plus que les piétinements de tous les souliers, avec le clapotement des voix. La foule inoffensive se contentait de regarder. Mais, de temps à autre, un coude trop à l'étroit enfonçait une vitre ; ou bien un vase, une statuette déroulait d'une console, par terre. Les boiseries pressées craquaient. Tous les visages étaient rouges ; la sueur en coulait à larges gouttes ; Hussonnet fit cette remarque :
- Les héros ne sentent pas bon !
- Ah ! vous êtes agaçant, reprit Frédéric.
Et poussés malgré eux, ils entrèrent dans un appartement où s'étendait, au plafond, un dais de velours rouge. Sur le trône, en dessous, était assis un prolétaire à barbe noire, la chemise entr'ouverte, l'air hilare et stupide comme un magot1. D'autres gravissaient l'estrade pour s'asseoir à sa place.
- Quel mythe ! dit Hussonnet. Voilà le peuple souverain !
Le fauteuil fut enlevé à bout de bras, et traversa toute la salle en se balançant.
- Saprelotte ! comme il chaloupe ! Le vaisseau de l'État est ballotté sur une mer orageuse ! Cancane-t-il2 ! Cancane-t-il !
On l'avait approché d'une fenêtre, et, au milieu des sifflets, on le lança.
- Pauvre vieux ! dit Hussonnet en le voyant tomber dans le jardin, où il fut repris vivement pour être promené ensuite jusqu'à la Bastille, et brûlé.
Alors, une joie frénétique éclata, comme si, à la place du trône, un avenir de bonheur illimité avait paru ; et le peuple, moins par vengeance que pour affirmer sa possession, brisa, lacéra les glaces et les rideaux, les lustres, les flambeaux, les tables, les chaises, les tabourets, tous les meubles, jusqu'à des albums de dessins, jusqu'à des corbeilles de tapisserie. Puisqu'on était victorieux, ne fallait-il pas s'amuser ! La canaille s'affubla ironiquement de dentelles et de cachemires. Des crépines3 d'or s'enroulèrent aux manches des blouses, des chapeaux à plumes d'autruche ornaient la tête des forgerons, des rubans de la Légion d'honneur firent des ceintures aux prostituées. Chacun satisfaisait son caprice ; les uns dansaient, d'autres buvaient. Dans la chambre de la reine, une femme lustrait ses bandeaux avec de la pommade ; derrière un paravent, deux amateurs jouaient aux cartes ; Hussonnet montra à Frédéric un individu qui fumait son brûle-gueule4 accoudé sur un balcon ; et le délire redoublait au tintamarre continu des porcelaines brisées et des morceaux de cristal qui sonnaient, en rebondissant, comme des lames d'harmonica.
1 Singe ; figurine chinoise grotesque en porcelaine ; au sens figuré, un homme très laid.
2 Danse le cancan, une danse excentrique.
3 Franges de tissu à fonction décorative.
4 Pipe à tuyau très court.
- Il s'agit d'une réécriture du texte de Flaubert.
- Le personnage de la femme aux bandeaux apparaît vers la fin du texte. Il faut la faire parler à la première personne du singulier. Elle raconte ce qu'elle a vécu à sa famille.
- La consigne stipule qu'il faut mêler description et narration. Il faut donc, comme dans le texte, décrire ce qui se passe (le saccage des Tuileries) mais aussi raconter une histoire, comment la femme entre dans le cortège des révolutionnaires, quelles actions elle fait avant d'en arriver à lustrer ses bandeaux, que fait-elle ensuite, etc.
- Il est important de décrire les sentiments du personnage.
- Il faut s'inspirer du texte qui décrit déjà ce qui se passe. On peut reprendre certaines idées (l'idée de la foule comme une seule personne). On attend surtout la description de la joie de la femme (Flaubert insiste sur l'euphorie de la foule).
- Les phrases doivent être correctes, mais le niveau de langue attendu est courant voire familier, car il s'agit d'une femme du peuple.
- Il serait intéressant que la femme décrive Frédéric et Hussonnet.
- On peut choisir de mettre en scène les réactions de la famille, donc de rédiger un dialogue. Toutefois, le discours de la femme doit primer sur celui des autres.
"Papa, maman ! Vous ne devinerez jamais où j'étais ! Mon Dieu, quelle incroyable aventure ! Je me promenais simplement dans la rue, quand tout à coup j'ai vu arriver une foule de personnes qui hurlaient à tue-tête : "Nous allons aux Tuileries ! Nous allons aux Tuileries !" Des hommes surtout, mais il y avait aussi des femmes, et même des enfants ! Jeannette était avec eux, c'est elle qui m'a convaincue de les suivre, vous pensez bien, toujours prête pour le grabuge ! Mais enfin il y avait aussi Pierre et Vincent, c'était fort amusant !
Bref, donc voilà Jeannette qui me passe un bonnet rouge, elle, elle portait un casque, comme beaucoup d'autres d'ailleurs ! Devant nous, il y avait des hommes avec des baïonnettes, ce qui m'a un peu refroidie sur le coup. Vous pensez bien ! Je me suis demandé ce que des soldats faisaient parmi nous, j'aime pas trop ces gens-là. Mais en réalité, il s'agissait de personnes comme nous, le peuple quoi ! Le peuple qui prend les Tuileries ! C'est un peu comme quand on s'est emparés de la Bastille non ? Quelle rigolade !
Je vous avoue qu'on piétinait quand même plus qu'on avançait, et les Tuileries ne se rapprochaient pas bien vite. Pour nous donner du courage, un gars a entamé La Marseillaise, et alors on s'est tous mis à la chanter, comme si cela pouvait nous faire cavaler plus vite ! On était comme une seule marée humaine, tous comme un seul homme ! Bon, il faisait chaud quand même, j'ai bien vu que Jeannette était toute rouge, et les gens autour de moi suaient comme des cochons, mais enfin j'ai été bien heureuse quand enfin on est arrivés aux Tuileries ! C'était fou ! Nous sommes entrés d'un coup, personne ne nous a arrêtés ! Tout le monde hurlait de joie, et je dois dire que je n'étais pas en reste. J'avais rarement été aussi enjouée de ma vie, alors que bon, c'est vrai que je ne savais pas trop pourquoi on était là, aux Tuileries.
Enfin, j'ai entendu deux gars qui discutaient, ils analysaient la situation comme qui dirait, et c'était drôle d'ailleurs ! Ils parlaient de liberté, de droits et puis de devoirs aussi. Je n'ai pas trop écouté, mais c'était bien sérieux en tout cas ! Puis d'un coup, il y a Georges, vous savez, le voisin de Marie, il s'est vautré sur le trône des Tuileries, et voilà qu'il riait, qu'il riait, il n'en pouvait plus ! Et on s'est mis autour de lui et de son fauteuil, et ni une ni deux voilà qu'on l'a soulevé du sol et passé par la fenêtre ! Plus de roi ! Terminé ! Plus de trône, donc plus de roi, hein ? Et Georges qui riait !
C'est là que ça a commencé à dégénérer un peu, mais enfin c'était drôle, fallait voir ! Les vitres ont volé en morceaux, les vases ne tenaient plus sur leurs commodes, et les statuettes se sont retrouvées sur le tapis ! Les miroirs n'ont bientôt plus rien reflété, ils n'étaient plus que des bouts tranchants sur le parquet, et les vitraux aussi, et les lustres ! Plus rien ne tenait ! Bon, je n'ai pas voulu me faire mal, vous comprenez, je me suis contentée de bousculer les chaises, d'envoyer valser les tabourets, de retourner un ou deux meubles... Quelle pagaille ! Comme on riait ! C'est à ce moment que Jeannette est venue me chercher, elle avait trouvé des vêtements et on ne s'est pas gênées pour les enfiler. J'avais de ces belles dentelles là autour du cou, et des gars ont mis des chapeaux avec des plumes d'autruche, ah c'était bien drôle, les forgerons devenaient des messieurs, et les prostituées se paraient de Légions d'honneur ! On a dansé comme si nous étions au bal, nous qui ne pouvons jamais le faire d'habitude, et pourquoi ça, hein ? C'est juste peut-être que les riches, là-haut, qui se parent de bijoux, s'écrasent dans leurs belles chaises, valsent autour de leurs meubles en or, pendant qu'on crève de faim ? Non ! Papa, maman, c'est non ! Plus jamais ! Alors, voilà à quoi on pensait là, en riant un peu trop fort, car on était éméchés. Et regardez mes beaux bandeaux, regardez comme je les ai bien lustrés, avec une pommade que j'ai trouvée ! Ah, papa, maman, vraiment, j'ai passé une folle journée !