Nourrir la Chine Exercice fondamental

Nourrir le pays le plus peuplé du monde est un sérieux défi posé aux autorités chinoises depuis de nombreuses années. Face à un recul des terres arables et une demande de diversification alimentaire, sécurité et transition alimentaire restent les objectifs majeurs d'une agriculture qui se veut durable.

La Chine doit nourrir 21% de la population mondiale alors qu'elle ne dispose que de 9% de son territoire en terres arables, grignotées par l'urbanisation. Ses ressources en eaux sont mal réparties et la productivité agricole est modérée. Après avoir longtemps lutté contre la pénurie, la Chine a atteint l'autosuffisance alimentaire depuis 1995. Mais dans le plan d'action sur la sécurité alimentaire publié par le ministère de la Santé en 2003 le gouvernement chinois admet qu'à l'heure actuelle la situation est "très critique" et identifie de sérieux obstacles. Les maladies dues à l'alimentation restent le principal danger pour la santé publique. La présence de nouveaux produits polluants biologiques et chimiques dans les aliments est une menace pour la sécurité alimentaire, les technologies et des produits nouveaux (comme les aliments transgéniques) constituent de nouveaux défis, et le contrôle de la sécurité alimentaire par le gouvernement est lent. La réduction du nombre de sous-nourris s'est fortement ralentie, passant de 10 millions de sous-nourris en moins par an en moyenne de 1970 à 1990 à 3 millions par an seulement depuis 1990. Cela souligne la persistance d'une insécurité alimentaire pour 120 millions de Chinois, principalement des ruraux pauvres.

Parallèlement, avec l'émergence d'une classe moyenne urbaine (plus de 50% de population urbaine en 2012, 70% en 2030), le consommateur chinois est devenu plus exigeant en matière sanitaire et a fortement diversifié son alimentation : en 2008, les céréales et légumes ne représentent plus que 63% de la ration alimentaire moyenne d'un Chinois. Au contraire, la part des produits animaux, des sucres rapides et des graisses ne cesse d'augmenter, sous l'effet notamment de la diffusion de la restauration rapide en milieu urbain. Les Chinois consomment également de plus en plus de laitages et de produits transformés issus des industries agroalimentaires (conserves, plats surgelés, pâtisseries industrielles, etc.). Une bonne part de ces produits étant importée, la balance commerciale agroalimentaire chinoise ne cesse de se dégrader : tandis que les exportations étaient multipliées par 4 entre 1980 et 2008, les importations ont été multipliées par 10. En outre, la transition alimentaire a fait apparaître en Chine un phénomène d'obésité. Près de 20% de la population est en surpoids, et ce phénomène est particulièrement marqué dans les milieux urbains et chez les jeunes, sans que l'État chinois n'ait encore pris de mesures pour le limiter.

Face à ses défis, la Chine doit se tourner vers une agriculture plus durable. C'est le pilier environnemental qui est mis en avant par les autorités chinoises. La proportion de l'utilisation de l'eau agricole en Chine a diminué de 15% par rapport aux niveaux d'il y a 10 ans grâce aux nouvelles technologies. Étant donné que la plupart des zones de production de céréales se trouvent dans le nord de la Chine tandis que les pluies abondantes et l'eau sont dans le Sud, la répartition inégale de l'eau et la production de céréales a été un défi majeur pour la Chine. Ainsi, un grand nombre de mesures ont été prises dans le but d'utiliser l'eau plus économiquement au cours de la dernière décennie, y compris la technique bien connue d'irrigation par aspersion, et l'utilisation de couvercles en plastique. L'utilisation d'eau recyclée provenant de zones urbaines a également été expérimentée. Pour rendre l'agriculture chinoise plus durable, la Chine a commencé à utiliser à nouveau les engrais organiques traditionnels avec la technologie moderne, tels que le tranchage de la paille de maïs, de blé ou de riz pour être mélangé dans le sol par les machines. Cependant, l'aspect social et économique d'une agriculture durable, dans cet État autoritaire, reste pour l'instant peu mis en avant.