Nourrir le Brésil Exercice fondamental

En 40 ans, le Brésil est passé de l'insécurité alimentaire à une puissance agricole mondiale. Si les progrès alimentaires ont été réels, le modèle agricole brésilien montre aujourd'hui ses limites, tant environnementales que sociales. Son défi reste la mise en place d'une agriculture réellement durable.

Le nombre de Brésiliens souffrant d'une grave situation de privation de nourriture a diminué de 35% au cours des quatre dernières années, passant de 11,2 millions en 2009 à 7,2 millions en 2013. De même, le nombre de Brésiliens dans l'insécurité alimentaire, est tombé de 66,2 millions en 2009 à 52 millions en 2013. Le maintien de cette insécurité s'explique par la répartition inégale des richesses, le faible pouvoir d'achat de nombreux foyers et le chômage. Toutefois, cette réduction a été rendue possible par les politiques de répartition des subventions faites aux plus pauvres et mises en œuvre par les gouvernements de Lula da Silva et son successeur et actuel président, Dilma Rousseff, qui garantit un nombre record de prise en charge alimentaire et par exemple dans le monde de la réduction de la pauvreté. Ces mesures sont issues d'un vaste plan d'ensemble appelé "Faim Zéro" et sont surnommées "Bolsa Familia" qui permet l'octroi d'aides alimentaires à des familles qui s'engagent cependant à envoyer leurs enfants à l'école.

Malgré les progrès alimentaires réalisés, certains Brésiliens sont toujours affectés par des problèmes de sécurité alimentaire. Le modèle agricole brésilien montre aujourd'hui ses limites. Parmi elles, le partage des terres et l'orientation des productions. La majorité des terres est possédée par un nombre réduit de grands propriétaires terriens et la production des grandes exploitations rurales est destinée en grande partie à l'exportation (soja, agrumes, viandes, café), au détriment de l'agriculture vivrière. Une redistribution plus équitable de la terre, l'amélioration des conditions de travail des ouvriers agricoles, le maintien d'une agriculture paysanne familiale capable de répondre aux besoins alimentaires du pays, ou encore le problème de la déforestation de l'Amazonie liée, entre autres, à la monoculture de la canne à sucre, sont autant de revendications portées par le mouvement des sans terres, organisation paysanne qui agit pour qu'une réforme agraire distribue la terre aux petits paysans. Au Brésil, la répartition des terres est donc très inégalitaire, et la situation actuelle reflète les politiques agricoles mises en œuvre dès les années 1960 de promotion d'une agriculture industrielle, fondée sur de grandes cultures d'exportations (soja, canne à sucre), source de croissance, mais également source d'inégalités, qui ne parviennent pas à nourrir tous les Brésiliens.

Partage des terres, déforestation, insécurité alimentaire, sont autant de défis que doit relever l'agriculture brésilienne pour s'engager sur la voie de la durabilité. De nombreux projets sont mis en place au niveau environnemental notamment. En cinq ans d'existence, le projet FLOAGRI, pour FLOresta e AGRIcultura (en français, forêt et agriculture), a réussi à mettre en place des techniques pour recultiver les sols dégradés d'Amazonie, stabiliser la production agricole et gérer l'exploitation forestière. Les objectifs sont variés : il s'agit de protéger l'agriculture familiale et lutter contre la déforestation, d'augmenter ses rendements agricoles sans défricher la forêt, idée qui semblait impensable pour les paysans brésiliens. Le projet FLOAGRI vient finalement de leur démontrer le contraire. En Amazonie, le sol est mince et fragile et une zone de forêt qui vient d'être déboisée n'est généralement pas productive plus de deux ou trois ans. L'agriculteur doit alors en défricher une autre. Afin de sortir les paysans de ce cercle vicieux, le projet FLOAGRI a permis d'élaborer des itinéraires techniques pour exploiter durablement un même champ.