Interpréter les figures de répétition en gras.
« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre.
Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.
Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle. »
Charles Péguy, Ève, 1913
Dans ce passage d'Ève, de Charles Péguy, la figure de répétition en gras est une anaphore. L'anaphore est la répétition d'un mot ou d'une expression en début de phrase, de vers ou de proposition. Ici, la répétition est une façon d'insister sur les nombreuses victimes de la guerre, de leur rendre hommage, tout en dénonçant les injustices de la guerre.
« Il y a des petits ponts épatants
Il y a mon cœur qui bat pour toi
Il y a une femme triste sur la route
Il y a un beau petit cottage dans un jardin
Il y a six soldats qui s'amusent comme des fous
Il y a mes yeux qui cherchent ton image
Il y a un petit bois charmant sur la colline »
Guillaume Apollinaire, « Il y a », Calligrammes, 1918
Dans ce passage de « Il y a », de Guillaume Apollinaire, la figure de répétition en gras est une anaphore. L'anaphore est la répétition d'un mot ou d'une expression en début de phrase, de vers ou de proposition. Ici, la répétition de « Il y a », est celle d'un « présentatif », c'est-à-dire une structure syntaxique employée pour introduire ou poser l'existence d'un élément nouveau dans le poème. C'est ici une façon de lister toutes les visions presque merveilleuses du poète, de rendre beaux et charmants les éléments du paysage, tout en associant les évocations contradictoires de l'amour et la guerre.
« Nulle science n'est pour elles trop profonde,
Et céans beaucoup plus qu'en aucun lieu du monde :
Les secrets les plus hauts s'y laissent concevoir,
Et l'on sait tout chez moi, hors ce qu'il faut savoir ;
On y sait comme vont lune, étoile polaire,
Vénus, Saturne et Mars, dont je n'ai point affaire ;
Et, dans ce vain savoir, qu'on va chercher si loin,
On ne sait comme va mon pot, dont j'ai besoin.
Mes gens à la science aspirent pour vous plaire,
Et tous ne font rien moins que ce qu'ils ont à faire ;
Raisonner est l'emploi de toute ma maison,
Et le raisonnement en bannit la raison… ! »
Molière, « Tirade de Chrysale », Les Femmes savantes, Acte II, scène 7, 1672
Dans ce passage des Femmes savantes, de Molière, la figure de répétition en gras est un polyptote. Le polyptote est l'emploi successif de plusieurs formes grammaticales du même mot. Ici, la répétition de « science, savoir, sait » ou de « raisonner, raisonnement, raison » est une façon d'insister sur les conséquences d'une science inutile, de la rendre ridicule, tout en dénonçant de façon comique la vanité des femmes savantes.
« Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa »
Louis Aragon, « Les Yeux d'Elsa », Les Yeux d'Elsa, © Édition Séghers, 1942
Dans ce passage du poème « Les Yeux d'Elsa », de Louis Aragon, la figure de répétition en gras est une répétition. La répétition est la reprise d'un terme ou d'une expression. Ici, la répétition est une façon d'insister sur la beauté et la permanence des yeux d'Elsa, de leur rendre hommage par un blason, tout en dénonçant la seconde guerre mondiale en cours : « les naufrageurs » désignent les nazis, « l'univers se brisa » évoque le fait que la guerre soit mondiale.
« Il permet pour le bien commun et pour le maintien de la société que les hommes établissent entre eux un ordre de subordination, qu'ils obéissent à l'un d'eux ; mais il veut que ce soit par raison et avec mesure, et non pas aveuglément et sans réserve, afin que la créature ne s'arroge pas les droits du Créateur. »
Denis Diderot, Jean Le Rond d'Alembert, « Autorité politique », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences et des arts, 1751-1772
Dans cet extrait d'un article de l'Encyclopédie, de Diderot et d'Alembert, la figure de répétition en gras est un polyptote. Le polyptote est l'emploi successif de plusieurs formes grammaticales du même mot. Ici, la répétition de « créature » et « Créateur » est une façon d'insister sur les conséquences et les abus du pouvoir absolu, de le rendre irrationnel et ridicule, tout en dénonçant la démesure et l'illégitimité de la monarchie de droit de divin.