Dans quelles phrases repère-t-on des figures de style ?
« (1) Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant, il faudrait en faire une description qui retarderait trop l'intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas. (2) Le carreau rouge est plein de vallées produites par le frottement ou par les mises en couleur. (3) Enfin, là règne la misère sans poésie ; une misère économe [...]. (4) Si elle n'a pas de fange encore, elle a des taches. »
Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835
Dans ce passage du Père Goriot, d'Honoré de Balzac, une figure de style se trouve à la phrase 1 : « vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant. » Il s'agit plus précisément d'une accumulation, une succession de plusieurs termes ayant la même fonction dans la phrase. Cela donne une impression de profusion et de chaos. Le rythme de la phrase semble accéléré.
« (1) Mon beau navire ô ma mémoire
(2) Avons-nous assez navigué
(3) Dans une onde mauvaise à boire
(4) Avons-nous assez divagué
(5) De la belle aube au triste soir »
Guillaume Apollinaire, « La Chanson du mal-aimé », Alcools, 1913
Dans ce passage de « La Chanson du Mal-aimé », de Guillaume Apollinaire, une figure de style se trouve au vers 1 : « Mon beau navire ». Il s'agit plus précisément d'une allégorie, c'est-à-dire la représentation d'une idée ou d'une notion abstraite (la mémoire) de manière concrète (mon beau navire). L'allégorie rend les descriptions lyriques, les émotions vivantes et imagées.
« (1) Il descend du Palais, et trouvant au bas du grand degré un carrosse qu'il prend pour le sien, il se met dedans : le cocher touche et croit remener son maître dans sa maison ; Ménalque se jette hors de la portière, traverse la cour, monte l'escalier, parcourt l'antichambre, la chambre, le cabinet ; tout lui est familier, rien ne lui est nouveau ; il s'assit, il se repose, il est chez soi. (2) Le maître arrive : celui-ci se lève pour le recevoir ; il le traite fort civilement, le prie de s'asseoir, et croit faire les honneurs de sa chambre ; il parle, il rêve, il reprend la parole : le maître de la maison s'ennuie, et demeure étonné ; Ménalque ne l'est pas moins, et ne dit pas ce qu'il en pense : il a affaire à un fâcheux, à un homme oisif, qui se retirera à la fin, il l'espère, et il prend patience : la nuit arrive qu'il est à peine détrompé. »
Jean de La Bruyère, « Ménalque, le distrait », Les Caractères, 1688
Dans ce passage de « Ménalque, le distrait », de La Bruyère, une figure de style se trouve aux phrases 1 et 2. Il s'agit plus précisément d'une asyndète, c'est-à-dire de l'absence d'une conjonction de coordination normalement attendue. Par exemple, « il s'assit, il se repose, il est chez soi. » ou « il parle, il rêve, il reprend la parole : le maître de la maison s'ennuie ». L'asyndète permet de produire un effet d'accumulation, ce qui entraîne le lecteur dans une description vive et donne une impression de désordre. L'asyndète donne du rythme à la phrase et un trait de caractère particulier au personnage.
« (1) Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
(2) Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
(3) Rien que la mort n'était capable
(4) D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
(5) Selon que vous serez puissant ou misérable,
(6) Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
Jean de La Fontaine, « Les Animaux malades de la peste », Fables, 1678
Dans ce passage de la fable « Les Animaux malades de la peste », de Jean de La Fontaine, une figure de style se trouve aux vers 1, 2, 5 et 6 : « peccadille/cas pendable », « manger l'herbe/crime abominable », « puissant ou misérable », « blanc ou noir ». Il s'agit plus précisément d'antithèses. L'antithèse est le rapprochement de deux termes de sens contraires. Elle met en évidence les différences de statut et de jugement, et donc les inégalités et les injustices. Son effet est à la fois tragique et polémique.
« (1) Au bout de la rue Guénégaud, lorsqu'on vient des quais, on trouve le passage du Pont-Neuf, une sorte de corridor étroit et sombre qui va de la rue Mazarine à la rue de Seine. (2) Ce passage a trente pas de long et deux de large, au plus ; il est pavé de dalles jaunâtres, usées, descellées, suant toujours une humidité âcre ; le vitrage qui le couvre, coupé à angle droit, est noir de crasse.
(3) Par les beaux jours d'été, quand un lourd soleil brûle les rues, une clarté blanchâtre tombe des vitres sales et traîne misérablement dans le passage. (4) Par les vilains jours d'hiver, par les matinées de brouillard, les vitres ne jettent que de la nuit sur les dalles gluantes, de la nuit salie et ignoble.
(5) À gauche, se creusent des boutiques obscures, basses, écrasées, laissant échapper des souffles froids de caveau. »
Émile Zola, Thérèse Raquin, 1867
Dans ce passage de Thérèse Raquin, d'Émile Zola, une figure de style se trouve aux phrases 2 et 5 : « usées, descellées, suant toujours une humidité âcre », « À gauche, se creusent des boutiques obscures, basses, écrasées, laissant échapper des souffles froids de caveau ». Il s'agit plus précisément d'une allitération en -s, c'est-à-dire le retour d'un même son consonantique. D'une manière générale, l'allitération produit un effet harmonique (on parle d'« harmonie imitative » lorsque la sonorité des mots employés évoque ou imite le bruit que produit la chose dont il est question). Ici, le son d'un souffle, celui de l'angoisse.