Interpréter les figures d'opposition en gras.
« De quel front immolant tout l'État à ma fille,
Roi sans gloire, j'irais vieillir dans ma famille !
Moi-même, je l'avoue avec quelque pudeur,
Charmé de mon pouvoir, et plein de ma grandeur,
Ces noms de Roi des rois, et de chef de la Grèce
Chatouillaient de mon coeur l'orgueilleuse faiblesse. »
Jean Racine, Iphigénie, Acte I, scène 1, 1674
Dans cet extrait d'Iphigénie de Jean Racine, la figure d'opposition « orgueilleuse faiblesse » est un oxymore. C'est une variété d'antithèse où deux termes de sens inconciliables sont rattachés par la syntaxe.
Au-delà de sa dimension poétique, l'oxymore permet de surprendre le lecteur avec l'alliance et deux mots surprenants qui caractérisent ici le personnage qui les prononce. Agamemnon a pour faiblesse sont trop grand orgueil, ce qui le pousse à sacrifier sa fille, Iphigénie, pour remporter la guerre.
« Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. »
Voltaire, Candide, chapitre III, 1759
Dans cet extrait de Candide de Voltaire, la figure d'opposition « Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées » est une antiphrase. L'antiphrase est un procédé qui consiste à dire le contraire de ce que l'on pense, en faisant comprendre que l'on ne pense pas ce que l'on dit.
Au-delà de sa dimension épique et descriptive, cette figure de style permet de surprendre le lecteur avec l'alliance de mots ordinairement inconciliables qui caractérise ici la naïveté de Candide, spectateur de la guerre. Voltaire a pour force argumentative son ironie, ce qui le pousse à utiliser des antiphrases qui amplifient l'efficacité de sa dénonciation et le blâme de toutes les violences insupportables sur Terre.
« Elle déplie la lettre résolument et lit.
"Madame, sous vos pieds, dans l'ombre, un homme est là
Qui vous aime, perdu dans la nuit qui le voile ;
Qui souffre, ver de terre amoureux d'une étoile ;
Qui pour vous donnera son âme, s'il le faut ;
Et qui se meurt en bas quand vous brillez en haut."
Elle pose la lettre sur la table. »
Victor Hugo, Ruy Blas, Acte II, scène 2, 1838
Dans cet extrait de Ruy Blas de Victor Hugo, les deux figures d'opposition « ver de terre amoureux d'une étoile » et « Et qui se meurt en bas quand vous brillez en haut » sont des antithèses. L'antithèse est le rapprochement de deux termes de sens contraires, ici « ver » et « étoile », « meurt » et « brillez », « bas » et « haut ».
Au-delà de sa dimension lyrique et poétique, cette figure de style permet d'émouvoir le lecteur avec l'alliance de mots ordinairement inconciliables qui caractérisent ici le romantisme de Ruy Blas, simple valet, qui aime la reine et souffre en silence cet amour impossible.
« Avec grand bruit et grand fracas
Un Torrent tombait des montagnes :
Tout fuyait devant lui ; l'horreur suivait ses pas,
Il faisait trembler les campagnes.
Nul voyageur n'osait passer
Une barrière si puissante :
Un seul vit des voleurs, et se sentant presser,
Il mit entre eux et lui cette onde menaçante.
Ce n'était que menace, et bruit, sans profondeur ; »
Jean de La Fontaine, « Le Torrent et la Rivière », Fables, 1678
Dans cet extrait de la fable « Le Torrent et la Rivière » de Jean de La Fontaine, la figure d'opposition « Il mit entre eux et lui cette onde menaçante. Ce n'était que menace, et bruit, sans profondeur » est un hypallage. L'hypallage est l'attribution à certains mots d'une phrase d'autres mots de cette phrase (sans qu'il soit possible de se méprendre sur le sens).
Au-delà de sa dimension épique et ironique, cette figure de style permet d'amuser le lecteur avec l'alliance de mots ordinairement inconciliables qui caractérisent ici le jugement sans profondeur du personnage. Celui-ci mesure sa peur et la profondeur selon le bruit de l'onde. Il se laisse tromper par les apparences. La suite du récit le conduira finalement à la noyade dans une douce et paisible mais profonde rivière.
« Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure »
Guillaume Apollinaire, « Le Pont Mirabeau », Alcools
Dans cet extrait du poème « Le Pont Mirabeau » de Guillaume Apollinaire, la figure d'opposition « Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours » est un zeugma. Le zeugma est la coordination de deux éléments différents sur le plan grammatical ou sémantique.
Au-delà de sa dimension lyrique et poétique, le zeugma permet d'émouvoir le lecteur avec l'alliance surprenante de mots qui permettent tout à la fois de représenter sous le pont, la Seine qui coule, mais aussi sur le pont le poète revenu seul qui évoque l'écoulement du temps et donc le passé de ses rendez-vous amoureux. Apollinaire a pour force malgré la fuite du temps de revenir et de rester là, car la vie continue, avec le souvenir de ses amours perdues.